lundi 18 février 2013

Québec jour 1


crédit photo : pas moi !


Jeudi, 31 janvier 2013.

Je suis partie. L'heure était venue. Les bagages étaient prêts depuis la veille et ma peur, intacte.

Dans la grisaille pluvieuse d'une fin de matinée froide, j'ai chargé la valise et le sac dans le coffre de la voiture et j'ai rabattu le hayon arrière. Tout était dit.

Les portières claquent, le moteur tourne, la voiture roule ; à la ville j'effectue les ultimes achats. Puis nous prenons la route, la pluie battant le carreau. Ruban gris luisant,serpent sans fin vers le futur. Chaque tour de roues m'éloigne de tout ce que je laisse. Trois heures de route et Paris qui se pénètre en douce, comme toujours, avec l'air d'y entrer comme par inadvertance.

L'appartement ami qui m'accueille, les belles rencontres et l'adieu à l'homme que je laisse, sur un dernier baiser rapide et triste....

La soirée fut belle et étrange, j'étais à la fois encore là et déjà partie. Nuit courte et fraîche, la pensée du départ, sinueuse et envahissante, serre mon ventre et le noue. Quoi ! C'est moi, la casanière, qui soudain prend mon vol vers l'inconnu ? Je m'octroie un petit sourire complice et amusé dans la pénombre de cette nuit parisienne jamais vraiment obscure.

Le réveil sonne. Une onde électrique me parcourt. Vendredi, 1er février 2013 : jour « J ». Vite, je m'habille, mon ami descends la valise. Métro, direction Opéra. Le Roissy-bus est déjà garé. Prendre le ticket, ranger la valise, dire au-revoir à l'ami qui m'accompagne : trois moments qui scellent l'inéluctable.

Ça y est, je suis seule devant le long voyage. L'Aventure commence là, avec cette solitude dans la nuit froide et mouillée, ce bus en attente et ces inconnus qui peu à peu, l'emplissent ; il fait nuit et il pleut. Paris mouillé, lorsqu'on part, a quelque chose de définitif, une sorte d'attente triste, de mélancolie nauséeuse.

Fermeture des portes. Grondement du moteur. Départ. 

Le bus grignote le bitume de l'autoroute, et dedans, comme dans une bulle chaude, chacun se rencogne dans son petit rêve personnel ; l'atmosphère est feutrée. Chacun sait où il va, et tous ces gens sont déjà en partance. La route défile, on arrive à l'aéroport, premier arrêt terminal 1, puis chaque porte du terminal 2, puis enfin le terminal 3 : le bus à chaque fois a vomi sa petite cargaison de voyageurs.

Je ramasse mes bagages et je sors, devant moi, des immeubles, une sorte d'avenue, un bête arrêt de bus comme on en trouve en banlieue, quoi, c'est ça, l'arrêt de l'aéroport ? Je fais comme tout le monde, je pars vers ma gauche, et je m'engouffre dans une sorte de tunnel. Il fait froid, il pleut toujours, et je me trouve soudain devant l'aéroport. Je pousse une porte : ça y est, j'y suis. 

Je cherche où l'on enregistre les bagages, la compagnie sur laquelle je voyage a installé un petit guichet d'accueil. Je montre billet et passeport, on me dirige vers un autre guichet. Re-présentation billet/passeport, et la valise rouge, décemment munie de son étiquette, disparaît sur son petit tapis roulant. Je reçois ma carte d'embarquement. Bon, ça, c'est fait. 

Direction l'embarquement et le contrôle de sécurité. Re-file d'attente, re-présentation billet/passeport, et hop, une étape de plus. J'arrive à la sécurité. Dans des bacs je mets manteau, sac, contenu des poches, écharpe, chaussures. Tout disparaît et passe aux rayons X, on me fait signe de passer le portique, mon sac reçoit une étiquette. Je passe sans encombres, je récupère mes biens et je me rhabille. Un passage au magasin de détaxe, j'y prends mes clopes, ensuite j'achète de l'eau, puis je localise l'espace fumeurs. J'attendrai là, entre les sièges de ma porte d'embarquement et l'aquarium-à-fumeurs, l'appel des passagers – 2 bonnes heures et demie, au moins. Je goûte l'ambiance, je m'occupe, écouteurs vissés aux oreilles, j'ai confié mon voyage à l'ami Lavilliers, parfaitement adéquat en la circonstance. Discographie intégrale sur le baladeur, sa musique m'aide à partir.

Les choses s'accélèrent soudain, les hauts-parleurs crachotent l'annonce de notre embarquement, les passagers du vol TS 411 se pressent, en ordre, au guichet. Passeport, carte d'embarquement. Nous montons dans la navette qui nous mène au pied de la passerelle, guidés derrière des plots nous montons enfin à bord, et c'est déjà le Québec au «  bienvenue » de l'équipage. Je rejoins mon siège, je m'installe. Je suis placée rangée du milieu, côté couloir, ouf ! Je vais pouvoir bouger !

Je replonge dans ma musique et dans mes sudokus, il faut tuer le temps avant le départ. L'animation règne, les gens se placent, s'installent, ça papote, comme dans le train, je m'absorbe et je crée ma bulle. Puis l'annonce du commandant de bord et les consignes de sécurité jaillissent des hauts-parleurs, et j'ai un petit pincement lorsque l'avion roule sur la piste pour se mettre en position de départ.

Une dernière annonce au micro, puis le gros monstre d'acier qui vrombit, qui prend de la vitesse, qui lance les gros moteurs qui vont pousser l'avion en vol : j'ai la sensation très aiguë de la puissance des machines, de l'extraordinaire poussée des machines. J'ai l'estomac serré d'appréhension et les mains scotchées sur les accoudoirs. Je sens l'avion s'arracher du sol.

Les larmes me montent aux yeux : j'ai quitté le sol de mon pays. C'est à ce moment-là que je m'aperçois que j'ai une patrie : au moment où je la quitte, et elle est faite de tous mes souvenirs, de tout un pan d'Histoire, de ma terre et de ceux que je laisse derrière moi. Entre ciel et terre, bouleversée d'émotion bêtasse, j'avale de mon mieux mes larmes. Elles ne couleront pas. Allons, que diable, y a-t-il donc là de quoi brailler ? Je vais chez des amis ! Je pense à eux, très fort. Je pense aux miens, aussi, très fort. Maman, ne me fais pas le coup de partir en douce, tandis que je suis loin.....

L'avion gagne son altitude de croisière, et je me croirais quasi dans un train, si je n'avais la conscience acérée de tout ce vide en-dessous. C'est aussi extrêmement bruyant.Le fait de me trouver immobile dans un objet en mouvement a toujours le même effet sur moi : ça m'endort. Sentant le sommeil venir, je me cale et je pique mon somme : je vais dormir ainsi six heures, entrecoupées des réveils pipi-repas-collations d'usage. C'est deux heures avant d'arriver que j'émergerai vraiment. Le temps commence à sembler long, mais pas tant que ça. J'ai surtout hâte de sentir l'air du dehors sur mon visage, de marcher entre des murs moins étroits.

Je guette ce que je peux lorgner du hublot le plus près de moi, et j'attends.



( A suivre.....)








30 commentaires:

  1. Bon, ben... c'est comme si on y étais... jusque là, je suis pas dans l'inconnu... allez... la suite
    Et... bienvenue sur le plancher de nos vaches qui rotent et qui pètent et qui polluent...
    Tout ton monde est-il bien intact et entier...
    Ah???? une carte postale au courrier...mais mais mais...elle vient de Montréal!

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    1. Déjà ? Bin ma vieille, rapides, les postes, pour une fois !
      Oui oui, tout mon monde va bien ! Et c'est le Grand Passage des grues, et j'ai plein à faire au jardin ! misère !!!

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    2. Oui, on les a vues la semaine dernière les grues...
      Heureusement parceque deuis que je n'arpente plus les trottoirs parisiens les grues se font rares...
      Ici aussi il y a ravalement de jardin. Guy a taillé les noisetiers et il se fait des plesses au potager avec les chutes.
      Moi ,je nettoie et je réfléchis à diverses modifications.
      Nouvelle: je sais que tu as ta dose de voyages, mais l'Envie de Jardin nous reprend les 25 et 26 mai;on a reculé dans l'espoir d'avoir un temps meilleur.
      Si d'ici là tu penses avoir de nouveau envie de bouger un peu, çà me ferait plaisir
      Bises, 'attends le suite...

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    3. Je note les dates ! c'est pas l'envie de bouger, qui manque, c'est soit le temps, soit les moyens ! Sinon, tu penses !!! En tout cas, je note.

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  2. Il est bon de repartir avec toi, cette fois-ci par écrit. Hâte des autres épisodes...

    Mets donc un lien sur le facebook, Anne ! que l'on puisse te suivre sans te perdre. sans te commander.

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    1. Mais ? il y est, sur Facebook ? je ne comprends pas, tu ne l'as pas vu ? peut-être qu'en réglant tes paramètres ? Car il y est !!! promis-juré-craché ! ils y seront TOUS !!

      Allez, embarque, on part en voyage !

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  3. Coucou! Tout ça me rappelle énormément ma première traversée... dans le sens inverse.

    Il faut bien du courage pour se lancer comme ça à l'aventure. Je te trouve bien chanceuse de pouvoir dormir aussi facilement, moi à chaque fois ce n'est que par à-coups de 5 à 10 minutes.... et encore!

    J'ai hâte de lire la suite et je confirme: je suis arrivée ici via le lien sur Facebook :)

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    1. Hihi ! Bienvenue ! Je tremble pour la suite, car je n'ai pas pris le temps, comme ici, de noter le soir les aléas du jour....ça va avoir une drôle d'allure, cette narration ! ça pourrait bien être très décousu ! c'était tellement dense !

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  4. Un ptit coucou à l'autre bout de la vague.

    Comme j'imagine plein d'images à mettre au bout de sa plume.

    Bon voyage!
    ;-)

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    1. Merci, J.J. ! Je suis de retour, en fait, et maintenant....bin ça va ramer sec, pour tout remettre en ordre et raconter !

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    2. Je ne savais pas que tu étais partie alors que tu étais déjà de retour...
      Le monde va décidément bien vite.
      ou alors c'est moi qui suis un peu lent...
      ;-)

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    3. Hihi ! étourdi ! ça fait 15 bons jours que tu ne vois plus chez toi (je rattraperai !), y avait quand même anguille sous roches ! ;-) - je t'espère en forme...

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    1. Pas autant que les bonbons de chez Oscar, Yan, pas autant ! ;-)

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  6. Wow ! Une écrivaine, tu es une écrivaine, Anne.

    - - - Portique : tu y as passé moins de temps que chez nous ! J'ai cherché le mot qui est accepté comme québécisme et y ai appris du coup que vous l'utilisiez justement pour désigner ce que tu désignes comme portique dans ton texte --- (je sais, je suis d'une limpidité ;-)!

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    1. Hahahaha ! Mais moi j'ai compris, Venise ! Nous dirions...."sas", ou "tambour", ou "entrée", pour cet espace entre deux portes où l'on se chausse et se déchausse. Mon dieu, j'espère n'avoir pas été trop impolie, ni n'avoir trop emboucané ton joli bureau si mignon ! Merci, en tout cas, d'avoir si gentiment enduré mon "vice infâme", bien que j'aie fait beaucoup d'efforts (ça s'y est-y vu ?) pour le réfréner. :D

      Pour quelqu'un qui n'aime pas la vulcanologie, je me trouve bien fumigène ! ;-)

      Merci encore, Venise. XXX

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  7. On aura pas attendu longtemps avant de revivre
    ton périple! Chouette.:-)

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    1. Oué bin attends, j'ai pas écrit la suite ! Oh misère ! j'en ai mal aux mains d'avance !!! :D

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  8. a y est ! avé pas vu. avé sorry...

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    1. Pas grave mon lapin, t'étais juste en panne des paupières.... ;-)

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  9. Cool...je lis une belle histoire, les aventures d'Anne en amérique. :)

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    1. Ah, quel périple ! que de souvenirs !! heuuu.....j'ai tout plein qui s'embrouille, ouille ouille ouille !!!! :)

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  10. que c'est beau de te lire ! Brave fille...baptême de l'air c'est pas rien. Casanière....voilà ce que je suis aussi mais n'ai pas eu le courage encore de prendre l'avion. Un jour peut-être ! Si ça arrive je penserai à toi et ça me donnera du courage.

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    1. Le plus dur ma Rainette, c'est de passer sa porte. Après, ça va. ;-)

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  11. je suis d'accord avec Venise et je te l'ai déjà dit : tu es une écrivaine.

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    1. Merci, Rainette, je suis très touchée. XX

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    2. Je plussoie. Tes écris en arrache et tu mets pas de fla-fla. De la bonne terre qui sent le dégèle. Tu es une écrivaine. Ouais.

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    3. Merci, ma Rouge ! Le plus dur, ça va être de tout se resouvenir ! parce que, passé les premiers jours, j'ai plus rien noté, j'étais dans un tel tourbillon ! houlàààà !

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  12. -Tu entends, elle nous écrit de l'avion, elle va bientôt atterrir... pour fumer!
    -Elle est déjà repartie?
    -Comment ça, après une seule clope (de la marque Oscar, chépas???) elle repart aussitôt? C'est sûrement le grand mal de son pays! Le pays où on dit que même le mariage peut être gai...maintenant, p.c.qu'avant c'était tristounet!

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    1. MOUAHAHAHAHAHAHA !!!!!
      M'a l'air bin confus, à souér....faut arrêter les infos de 20 h ! :)

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allez, dites-moi tout !