samedi 1 janvier 2011

Conte de Noël (marronnier de saison) - 4




Comment Gris le Loup s'approcha des Hommes 4


L'hiver était long et dur. La nuit était froide et cruelle.

Gris et la Horde avaient battu l'espace, et mené grand train. Ils avaient levé un grand cerf assez vite, mais le dix-cors s'était forlongé, et dépités, il leur avait fallu rompre. Néanmoins la nuit était jeune encore, et leur espoir pas encore vain. Ils s'étaient remis en quête. Ils couraient au vent depuis un assez long moment, quand une odeur frappa Gris, qui le fit stopper net. Il humait l'air à grands traits, incertain.

Oui, c'était bien cela. Feu. Cela sentait le feu, là-bas, vers le chemin des Hommes. D'un bref aboi il arrêta la Horde. Ils le virent, et humèrent aussi. Du feu, à cet endroit ? Les Hommes avaient leurs feux plus loin, bien plus loin, là où ils avaient leurs tanières d'édifiées.....Tous, ils connaissaient la brande et les bois mieux que quiconque, et il n'y avait pas tanière d'Homme avant bien du chemin ! Du feu ?

Gris craignait un danger pour la Horde. Il fallait aller voir. En silence, l'un derrière l'autre, par meute, celle de Gris d'abord, puis celle de Balafré, puis celle de Roux, ils marchèrent vers ce feu des Hommes qui n'était pas à sa place, ici et à cette heure.

Ils arrivèrent face au vent, et la fumée leur piqua les yeux. Devant eux il y avait le feu. Une femelle d'Homme était allongée tout auprès, et deux mâles silencieux gardaient les yeux fixés sur elle. Ce fut alors une autre odeur que le vent leur porta...

La femelle d'Homme était en train d'avoir son petit, là, dans la nuit la plus froide de l'hiver à ce jour, dans la neige et loin de leurs tanières.

L'odeur du sang et des matières, chaudes et alléchantes, leur mit salive aux crocs. Trois adultes - et un petit en train de naître. Des Proies aisées qui calmeraient leur faim.

Gris réfléchissait, cependant indécis. Il arrivait que les Hommes aient une sorte de chose qui crachait du feu et pouvait tuer à distance, et Gris supputait les risques qu'il y avait d'attaquer ceux-là. Il cherchait à forcer son odorat, pour sentir l'odeur de la poudre et de la graisse qu'il y avait sur ces choses, mais la fumée masquait tout, et il n'arrivait pas à prendre sa décision. A ses côtés il sentait les autres brûler d'en découdre, la faim leur tenait le ventre à présent. Balafré claqua des dents, passant sa langue sur ses babines.

Gris, quoiqu'hésitant encore, allait se décider à l'attaque quand Roux, les oreilles couchées et le poil hérissé, s'aplatit soudain en reculant. Tous regardèrent dans la même direction, et sentirent plus qu'ils ne virent un autre mâle d'Hommes qui comme eux, guettant dans l'ombre, se détourna et fuit, ne les ayant pas même aperçus.

Qu'est-ce que cela voulait dire ? Gris fouillait dans sa mémoire. C'était un Loup d'expérience. Tout jeune encore, avant de quitter sa meute de naissance, il avait chassé près de son père, loin à l'Est. Il se souvenait. Il y avait eu à cette époque grand trouble chez les Hommes, et grandes batailles qui leur laissaient provende facile. Il se rappelait. Parfois à la nuit noire, il avait vu des Hommes épier ainsi, avant d'attaquer. Ils attaquaient pour tuer, non pour manger, et cela avait stupéfié Gris. Apparemment, il était question de territoires à saisir, ou à défendre, d'après ce qu'il avait pu comprendre de ces êtres dangereux, qu'il n'approchait qu'avec prudence. Eux, Loups, n'attaquaient jamais les mâles adultes, surtout en groupe. Parfois leurs femelles ou leurs petits, quand ils gardaient, isolés, leur bétail qu'ils menaient paître le long des chemins. Jamais les Loups n'approchaient volontiers ces sortes de créatures imprévisibles.

Allait-il y avoir une attaque ? Ces trois-là, près du chemin, avec une femelle qui faisait son petit, étaient-ils donc dangereux pour l'autre qui les épiait, ou en danger de par cet Homme? Le Gris en oubliait sa faim. Fallait-il attaquer, ou attendre ?

Un bref regard à ses acolytes lui permit de comprendre qu'ils étaient tout aussi indécis que lui.

Alors, reculant prudemment, et regroupés assez loin pour tout épier sans être vus, toujours silencieux et invisibles, ils attendirent, et guettèrent.

(à suivre)

19 commentaires:

  1. La suite, la suite ma chérie !!!

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  2. Demain, très chers lecteurs, demain.......

    Chuuuutt, Seb ! c'est pas le moment de se faire repérer ! :))

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  3. Chuuuuut Anne. J'entends ton inspiration, ta respiration. Tu es sur le qui-vive. Ton corps est fébrile. Moi aussi. À demain. Bonne journée et bonne année...Raymond

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  4. Bonne année Raymond ! le décor est campé, les personnages en place........attendons ! :)

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  5. Demain, demain ! Faut toujours attendre, avec toi, c'est terrible, tu ne te rends pas compte de la tension que tu provoques juste avant de nous dire "demain". Tsssssssssss ! Pas bien !

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  6. Faut savoir être patient, dans la vie......:))

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  7. gniark gniark gniark .....

    Le suspense est à son comble !

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  8. ah un loup qui pense et en connaît beaucoup sur les hommes, je devine la fin mais p-ê que je me goure ! On verra....si Dieu le veut ! Une chose est sûre, l'enfant ne sera pas bouffé puisque c'est le Dieu Tout-Puissant ahahah !

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  9. @ Katimour : oui hein ? on se demande qui bouffera le bébé le premier......:))))

    @ Rainette : un dieu, un dieu....ça c'est vite dit ! de la viande fraîche, ça c'est plus sûr ! ☺

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  10. Ah bravo ! pour une fois je suis tombé sur un mot inconnu et suis allé le chercher dans l'encyclopédie Larousse en dix volumes à laquelle je dois tant.
    Forlonger (de fors longum en latin):terme de vènerie. Se dit d'un gibier qui a pris une grande longueur d'avance sur la meute de chiens.
    Bravo Anne, de la culture cynégétique en plus de ton remarquable sens du récit, c'est merveilleux.
    Nous sommes tout haletants de découvrir la suite ...

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  11. me voilà de retour, pour de bon, enfin... jusqu'à l'été, la cigogne est revenue vers les pays du froid...

    Je découvre ton conte, une pure merveille ! quelle écriture, quelle élégance ! je me régale à tes mots, et je me dis que rien n'est plus beau, car on sent en te lisant que, telle le courant, tu a poli avant de nous les offrir, ces beaux galets.

    Merci pour ce cadeau, et belle, belle, belle année à toi, belle comme le jour.

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  12. @ Jorge : Oui ! tu connais sans doute l'expression "rompre les chiens", qu'on emploie pour parler d'une conversation épineuse qu'on préfère dévier brutalement sur un autre sujet ou cesser abruptement....eh bien, en vènerie, les chiens "rompent", c'est à dire abandonnent la poursuite, soit quand le gibier se forlonge, soit quand ils perdent sa "voie", c'est à dire sa piste odorante. Il s'agit d'une meute qui chasse, ici, donc j'ai appliqué les termes de la chasse "à courre", c'est à dire de poursuite du gibier, en opposition à la chasse " postée", c'est à dire en embuscade avec des rabatteurs. Ravie de t'avoir titillé un peu....:))

    @ Lucia : Contente de te savoir de retour !! Merci beaucoup Lucia, et belle, bonne année à toi aussi !!!

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  13. @ Jorge : "courir au vent" se dit, pour les chiens qui cherchent une "voie", la piste d'un gibier à débusquer.

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  14. Moi, le Blanc ,patte avant droite en l'air,museau gelé humant la chair fraîche je n'attends que le signal du Gris...(vite j'ai une crampe)

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  15. HAHAHAHAHAHAHA ! Reviens d'ici une demie heure, lire l'épisode suivant, ça te la passera ! ☺

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  16. Poufh, quel suspens, c'est génial, tu ES géniale, ma chère anne,
    outre ce délicieux vocabulaire qui me fait voyager autant dans le temps que l'espace il y a ta pré science du loup qui me laisse quoite...
    je sais qu'il est plus à redouter des hominidés (?) que des canidés,
    mais ta connaissance (ou est ce fiction empatique?) me laisse béate d'admiration!
    vite, la suite,
    émue, je trace les meutes...

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  17. Quel enthousiasme, Dom ! Bon, le loup, une bonne fois : en général, il fuit l'homme. Dans de rares cas, il attaque. S'il a très faim, ou juge la proie facile. C'est quand même des machins dont la taille varie de celle du Beauceron à celle du dogue allemand, et qui peut peser 80 kg. Avec 42 dents sur la mâchoire, enfoncées de 2 cm dans l'os des maxillaires, capables de te broyer le bras comme un rien. Et qui attaquera de dos pour viser la nuque, s'il choisit l'attaque. Qui est certes rare, mais pas improbable. Je ne serais pas fière en face, tout en étant fascinée. Mais franchement, c'est quand même, a priori, une bête qui préfère éviter l'homme.

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allez, dites-moi tout !