Nous étions restés, il y a déjà deux semaines, sur notre arrivée fracassante dans le bourg de Lury sur Arnon, dans le Cher, où nous nous rendions pour assister à un conte "musicalisé" par les bons soins des frères Bitaud, Laurent et Dominique, musiciens et conteurs à l'occasion. (cf billet précédent).
Reprenons, donc : nous sommes le 16 novembre, il fait nuit et il fait brouillard et froid, sur la région ; dedans l'assemblée fait silence, et les premiers sons de la vielle et de la cornemuse s'élèvent...c'est l'heure du conte !
Reprenons, donc : nous sommes le 16 novembre, il fait nuit et il fait brouillard et froid, sur la région ; dedans l'assemblée fait silence, et les premiers sons de la vielle et de la cornemuse s'élèvent...c'est l'heure du conte !
JEAN-LE-CHANCEUX
Il
était une fois (j'adore ce début ! ), ça fait, ma foi, un peu de
temps pour nous désormais, un vieux bonhomme et une vieille bonne
femme qui vivaient dans une forêt très retirée, car le vieux était
sabotier de son état. Des douze enfants qu'ils avaient eu, il ne
leur restait plus que le dernier, Jean, qui s'en allait sur ses seize
ans. Ce pourquoi son père l'avait surnommé "
Jean-le-Chanceux", vu que lui seul avait survécu.
Le
gamin s'ennuyait fort à fabriquer des sabots. Dame, à cet âge, on
a un peu la bougeotte ! Et puis, ils ne voyaient jamais personne,
dans cette forêt....Le Jean, à presque seize ans, avait envie de
voir un peu le monde ! Mais las ! Son père ne voulait rien entendre,
et rien savoir ! Le gamin était vivement rabroué, à chaque fois
qu'il en parlait.
Pourtant, un jour, il n'y tint plus :
- " Père, dit-il, c'est décidé, je m'en vais chercher fortune ! " Son père s'emporta une fois de plus :
- " Je ne veux pas entendre parler de ça une fois encore ! Va-t-en au diable ! "
Jean,
cette fois-ci, ne se laissa pas démonter. Il fit ses paquets,
embrassa sa vieille mère qui pleurait tant et plus, et tendit la
main à son père ; mais celui-ci, toujours fâché, lui tourna le
dos : " va-t-en au diable " ! lui re-cria-t-il !
Jean partit donc ; il marcha bien sept heures, sans voir encore la fin de
la forêt. " Que la ville est bien loin ! ", pensait-il,
et en marchant, il pensait à son futur emploi. Il était un peu
dégourdi, ayant été à l'école, et ne doutait pas de se trouver
favorisé par la fortune ! " Après tout " , se
disait-il, " ne suis-je pas ' Jean le Chanceux ?' "
Comme
il remuait toutes ces pensée en son for intérieur, il vit venir
vers lui, sur le chemin, un petit homme en noir. Jean s'écarta pour
lui laisser passage, le saluant dans le même temps. Comme l'homme
s'éloignait, Jean soudain l'interpella :
- " Monsieur ! Hep, Monsieur ! Dites-moi....la forêt finit-elle
bientôt ? "
Le
petit homme en noir se retourna :
- " Oh, oui oui, vous n'êtes plus très éloigné de la grand-route qui
mène à la ville....Mais dites-moi, qu'alliez-vous donc y faire ? "
- " Je vais chercher fortune " , répondit Jean.
Le petit homme en noir, du coup, s’intéressa, toisant le Jean de haut en bas, pour bien en prendre la mesure, et se frottant le menton d'un air pensif.
- " Ma foi....j'aurais bien besoin d'une personne chez moi....ça ferait-il ton affaire, de rentrer dans mon personnel ? Mmmm ? "
- " Ah mais oui Monsieur, pourquoi pas ! " répliqua Jean, content de faire affaire si vite.
- " Bon, reprit le petit homme en noir, et combien, d'après toi, devrais-je te payer ? "
- " Oh, bin, allez, tenez....cinquante pistole l'an ? " répondit Jean, en se grattant la tête.
- " ça me va ! " répondit le petit homme en noir. " Mais, avant de conclure le marché, dis-moi....sais-tu lire ? "
- " Bien sûr Monsieur ! " répondit Jean, tout faraud ! Dame il en était fier, car tout le monde autrefois ne savait pas lire dans nos campagnes ! " Je sais même écrire, aussi ! "
- " Hop hop hop arrête-toi là mon garçon ! ", répondit le petit homme en noir, " Tu ne me conviens plus du tout, et là, vraiment, c'est impossible de faire affaire ensemble. Bonne chance à toi, et bonne route ! "
L'homme se détourna et reprit son chemin. Mais une idée vint à l'esprit de notre Jean-le Chanceux :
- " Monsieur, Monsieur ! " s'écria-t-il, interpellant derechef le
petit homme en noir, " avec moi, il n'y a pas d'affaire à
faire, mais avec mon frère qui s'en vient derrière moi pour la
même cause, ce sera sans doute possible, il a toujours fait sa
mauvaise tête et n'a point voulu apprendre aux écoles ! "
- " Ah, bien... ", répondit le petit homme en noir, " nous
verrons cela.... "
Jean
avança jusqu'à être hors de vue, puis quitta vite le sentier, et
hop hop hop, passant par le sous-bois il rebroussa chemin, jusqu'à
se retrouver une nouvelle fois devant le petit homme en noir ; en
marchant, il avait vite retourné sa veste côté doublure ( dame,
c'est économique, quand on n'a qu'un seul habit : ça fait un côté
pour la semaine et l'autre pour le dimanche !), et s'avança sur le
chemin, vêtu de rouge et non plus de vert. Comme précédemment, il
s'effaça pour laisser passer le petit homme en noir, le saluant au
passage.
Mais
cette fois-ci, le petit homme en noir l'interpella le premier :
- " Dis donc, ce serait pas toi des fois, le frère du jeune homme que
j'ai croisé il y a peu ? Vous vous ressemblez beaucoup ! "
- " Ma foi Monsieur, c'est bien possible " , répondit Jean," nous sommes jumeaux, voyez ! "
- " Bon ", reprit le petit homme en noir, " je suis à la recherche
de personnel. Voudrais-tu travailler pour moi ? Et dis-moi...quels
gages te donnerai-je ? ""
- " Travailler pour vous ? ", répondit Jean, " ma foi,
pourquoi pas ? Heuuuu....pour cinquante pistoles l'an, ça irait-y
? "
- " Oui
oui ! Ça me convient ! " rétorqua le petit homme en noir ; " mais avant....dis moi, sais-tu lire ? "
Notre
Jean prit un air penaud, en regardant le bout de ses sabots.
- " C'est-à-dire que.....hélas non, Monsieur ! J'aimais mieux aller
flâner qu'aller à l'école....ça fait que je n'ai rien appris,
hélas ! "
- " Bien bien bien bien bien ! " , répondit le petit homme en
noir, en se frottant les mains de satisfaction. " Tu fais mon
affaire, je t'engage ! Tu auras tes cinquante pistoles, peut-être
même le double SI je suis content de toi, et un jour de congé par
an ! Viens-t-en avec moi. "
Aussitôt
dit, le petit homme en noir se détourna et, quittant le chemin,
s'enfonça dans les grands bois, suivi de Jean bien content. Ils
marchèrent ainsi jusqu'au crépuscule, jusqu'à arriver devant un
grand manoir perdu au milieu des bois, installé au milieu de hauts
murs d'enceinte, sur un amas de rocs naturels qui le relevait plus
haut que les arbres. La brume qui montait, la nuit qui tombait et le
hululement des chouettes dans les grands arbres n'en faisaient guère
un endroit engageant, et tout avait là un air bien sinistre aux yeux
du pauvre Jean, fatigué, affamé et bien dépité de ne point aller
en ville.....
- " Bin...c'est
pas guère engageant, comme coin.... " se dit-il au tréfonds
de lui-même, comme ils en passaient l'unique porte épaisse et
renforcée de fer.
Bientôt, Jean, installé à l'office devant une table bien garnie, contentait sa faim en écoutant son nouveau maître lui expliquer en quoi allait consister son ouvrage :
- " Tu n'auras qu'à t'occuper de mon cheval, faire un peu de ménage ici
et là, et t'assurer que personne n'entre chez moi durant mes
absences ; les soins de ma personne, j'y pourvois."
- " Bon " , se dit Jean, " je vais bien gagner pour pas grand
ouvrage, je suis bien tombé ! "
Il
s'alla coucher, dans la vaste bibliothèque de son maître où une
alcôve lui était dévolue.
Le lendemain, à son réveil, Jean trouva le logis vide, et son maître absent ; après avoir nourri sa faim aux cuisines, fort bien garnies en provisions ( et ça mange, un gamin de cet âge-là !), il alla explorer son nouveau domaine. De la cave au grenier, il ne trouva que portes fermées à clef, et personne nulle part, sauf un vieux cheval efflanqué, dans une des stalles de l'écurie. Il s'occupa du cheval, et n'eut rien d'autre à faire....que de revisiter tout le manoir, qui ouvrait sur une cour close de hauts murs, et d'où il ne pouvait sortir, la porte étant fermée à double tour aussi.
Les
jours passèrent. Jean récura tout ce qu'il pouvait, s'occupa du
cheval, et s'ennuya fort. Il faisait grise mine, de se voir
emprisonné là-dedans, lui qui avait tant rêvé de voir le monde !
Parfois, son maître revenait, inspectait tout de la cave au grenier, allait flatter son vieux cheval maigre, et se montrait fort satisfait. A ces occasions, il ne manquait jamais de donner à Jean, " en plus des gages promis ", une belle pistole d'or, qui allait grossir la poche de notre jeune homme, à sa grande satisfaction.
Mais le temps passait, et Jean s'ennuyait ferme.
Vint le jour où, pour se distraire, il jeta un œil aux livres de la
bibliothèque, qu'il était chargé d'épousseter, et qui
garnissaient quasiment les quatre murs, du sol au plafond. Il en prit
un....il ne put le lire ! A son grand désappointement, il était
écrit dans une langue qu'il ne connaissait pas ! Il farfouilla,
étagère après étagère, il trouva toutes sortes de volumes, des
minces, des épais, des petits, des grands, mais aucun qu'il ne pût
lire. Il était fort déçu.
Mais,
en arrivant tout en haut du plus haut rayonnage, à la toute dernière
extrémité de la dernière rangée, juste sous le plafond, Jean
trouva un tout petit petit livre, noir, plat, mince, presque un
carnet, en fait....il l'ouvrit, et, miracle ! Celui-ci, il le
comprenait ! Il se mit à le feuilleter : table des matières...table
des matières....voyons : ah !
" Formule pour ouvrir toutes les portes fermées "
- " Oh
oh !", se dit-il, "voilà qui serait bien utile !"
" Formule pour se transformer en animal "
- " Ah,
bah ?" se dit-il, "pourquoi pas ?"
" Formule pour changer le plomb en or "
- " Ah,
ça, ma foi, c'est pas mal !", se dit-il.
" Formule pour voir au loin tout ce qui s'y passe "
- " Oh,
cela pourrait bien me servir !", pensa-t-il ; car il était soudain
saisi de la nostalgie de sa famille et de sa maison, qu'il n'avait
plus revues depuis des mois, et qui se mirent à lui manquer très
fort....
Jean s'empara du petit livre, et lut attentivement la
formule à prononcer pour voir au loin. Il l'apprit par cœur, et la
répéta, répéta, jusqu'à obtenir le résultat voulu ; et,
soudain, il vit devant ses yeux l'intérieur de son ancien
logis....sa vieille mère tricotant dans un coin, les larmes coulant
sur ses joues, et son vieux père, sombre et silencieux, fixant en
silence le feu dans la cheminée.... " ah, je me demande bien
ce que devient notre fils ", s'écria-t-elle soudain d'une
pauvre voix tremblante.... Son père ne répondit point. Mais Jean le
vit furtivement essuyer ses yeux, et battre des paupières....il en
eut le cœur bien chagrin.
Puis
il pensa à son maître, toujours absent, dont il ne savait rien ;
c'était là l'occasion d'en savoir plus à son sujet ! Il fixa sur
lui sa pensée, récita de nouveau la formule....et, avec un grand
cri, s'évanouit tout net.
Quand
il revint à lui, il en frissonnait encore. Car son maître,
voyez-vous, son maître....n'était nul autre que le Diable, le
Diable lui-même ! Ah, il s'était mis là dans de beaux draps !!!
Chez le Diable, pauvre Jean ! Ah, autant dire qu'il faudra rester sur ses gardes ! Puis, Jean se dit que finalement, l'année allait bientôt finir, il prendrait ses gages et chercherait un autre emploi ! En attendant, autant tirer parti du contenu du petit livre livre noir. Voyons....formule pour ouvrir toutes les portes....ah, voilà ! Et Jean travailla et travailla sa formule, jusqu'à ce qu'aucune porte ne lui résiste. Il visita tout le domaine, de fond en comble et de la cave au grenier. Il trouva des salles pleines de trésors, d'autres remplies de pièces d'or ( et en empocha quelques-unes au passage - dame, charité bien ordonnée....n'est-ce pas !).
Sur
ces entrefaites, son maître vint à rentrer au logis. Il vit que son
vieux cheval était mort.
- " bah, il n'était plus tout jeune ", dit-il. " Nous sommes dans les temps de la grande foire de Maray, j'irais samedi en chercher un plus jeune ".
- " Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, mon maître ", se risqua Jean, " je souhaiterais pour ma part prendre mon
jour de congé, le seul de l'année que j'aie, afin de retourner voir
les miens, dont je suis sans nouvelles ".
Le Diable se mit à braire :
- " Ah mais pas question ! ça ne fait point mon affaire ! Qui
restera à garder mon logis, si tu t'absentes ?? Non non non, pas
question de congé !! Tu vas rester ici, et puis c'est tout ! "
Jean
ne fut guère content. Il s'en retourna à son alcôve en ruminant
dans son for intérieur.
- " Mouais
! " , se disait-il, " Ah ! tu veux veux point me le
donner, mon congé, pis tu veux me garder là prisonnier ! Mais on
va bin voir c'qu'on verra ! Aussi vrai que je m'appelle
Jean-le-Chanceux ! "
Le
lendemain, le Diable était reparti. Aussitôt, Jean fourra dans ses
habits, bien serrées dans son mouchoir, toutes ses pistoles d'or,
puis à l'aide de la formule, il ouvrit la porte et sortit ; le plus
vite qu'il put, il se mit alors sous la forme d'un jeune poulain (et
c'était un poulain splendide, je vous en réponds !), et prit le
galop vers la ferme de ses parents, qui était bien loin, à tel
point qu'il n'y arriva que vers le soir. Il arriva dans la clairière,
où il trouva son père en train de fendre ses bûches. Mais,
étourderie et précipitation de la joie qu'il avait à le revoir,
Jean ne pensa pas à reprendre forme humaine ! Si bien que jugez la
stupéfaction du vieillard, quand il vit un magnifique poulain tout
fumant se précipiter vers lui en s'exclamant :
- " Père ! Père ! Quelle joie de vous revoir ! "
Le
vieil homme en tomba évanoui. Aussitôt, Jean, pestant contre
lui-même, reprit sa forme humaine. Entendant crier, sa mère
accourut, pour trouver son mari évanoui de tout son long au sol, et
son fils tentant de le relever.
- " Ne vous inquiétez pas, mère ", s'écria Jean, "portons-le
dedans, ranimons-le, et je vous expliquerais tout. "
Ainsi
fut fait ; le vieux bonhomme fut tout étonné, en sortant de son
évanouissement, de trouver son fils près de lui. Alors, Jean
raconta à ses parents toute son histoire, et leur montra les belles
pistoles d'or qu'il avait rapportées de son service.
- " Vous
m'aviez envoyé au Diable, mon père, ce qui n'était guère prudent
de votre part, car voyez-vous, j'y suis allé ! ", dit Jean à
son père sidéré. Les deux vieux n'étaient guère rassurés,
craignant que le Diable ne leur fasse des misères en représailles
de ses pistoles subtilisées, et de son domestique enfui, mais Jean
les rassura.
- " Mes chers parents, faites-moi
confiance, et notre fortune à tous trois est faite. Voici. Demain,
cher père, je me remettrai en cheval, et vous m'irez vendre à la
foire. Vendez-moi seulement, et je m'occupe du reste. "
Puis
ils soupèrent, et s'allèrent coucher.
Le
lendemain matin, au chant du coq, le vieux sabotier se leva, et crut
avoir rêvé. Il déjeûna d'une écuelle de potage, et sortit
soigner ses trois maigres poulets ; quelle ne fut pas sa surprise de
trouver le magnifique poulain, pâturant dans l'ouche de derrière !
- " Avez-vous mangé, père ? ", demanda Jean ; " si vous
êtes prêt, partons donc pour la foire ! "
Ils
se mirent en route, une fois effectué les derniers préparatifs
; la foire était loin, et le vieux sabotier tenait le poulain en
longe, marchant à côté.
- " Père, montez donc sur mon dos, voyons, nous irons plus vite ainsi
! ", dit Jean. Aussi, l'un portant l'autre, firent-ils à
meilleure allure le long chemin vers le champ de foire. Arrivés là,
ils cherchèrent le marché aux chevaux, et firent grande
impression : car
Jean était aussi beau cheval qu'il était beau gars, et il ne tarda
point à y avoir foule autour d'eux ; mais nul ne se pressait
d'enchérir, car si belle bête, pour sûr, ne pouvait que valoir
bien cher, et tout le monde ne pouvait guère s'offrir un tel cheval
!
Finalement,
le maquignon le plus réputé et le plus retors du champ de foire s'y
risqua.
- " Mmmmm ",
dit-il après avoir examiné Jean sous toutes les coutures, " cinquante pistoles ? "
- " Vous voulez rire ", répondit le père de Jean. " Ce n'est pas
un vieux tocard cagneux que je viens vendre !! "
- " Bon ", reprit l'autre après avoir ré-examiné Jean d'un bout
à l'autre, " soixante-dix ? "
- " Cent ! " cria une voix ; le Grand Écuyer du Seigneur local
venait faire sa remonte.
L'enchère
s'échauffait, et les propositions montaient, montaient, les
spectateurs suivant l'enchère avec passion et grande attention. A
cent quatre-vingt pistoles, le maquignon abandonna ; le Grand Écuyer
tendait déjà la main vers la longe lorsqu'une voix caverneuse
s'éleva de derrière le cercle des badauds :
Tout le monde s'écarta ; un petit homme en noir s'avança alors vers le cheval. Il faisait tellement impression, ce petit homme en noir, qu'un grand silence tomba, et que le Grand Écuyer lui même, tremblant, recula, et cessa d'enchérir. Une bourse bien pleine changea de mains, après que discrètement Jean ait murmuré à son père d'accepter l'offre, et le petit homme en noir repartit avec le magnifique poulain qu'il venait d'acquérir.
En
route, il eut envie d'essayer sa nouvelle monture, car tout de même
le chemin était long. Aussitôt dit, le voilà sur le dos de Jean,
qui au début marcha d'un bon pas bien égal ; voyant cela, le Diable
le mit au trot, et Jean trotta. Enfin, voulant essayer toutes les
possibilités de son nouvel achat, le Diable mit Jean au galop, et
Jean galopa. Il galopa bien, au début, puis peu à peu, il prit de
la vitesse, de la vitesse, et insidieusement, il prit le mors aux
dents. Le Diable essaya bien de l'arrêter, mais, ouiche ! Il n'y
avait pas moyen ! Et Jean galopait, galopait, à pleine vitesse, sur
le chemin...puis, dans une courbe, il fila tout droit en sous-bois,
longeant les arbres, slalomant entre eux, jusqu'à ce qu'une bonne
branche basse de bonne taille le débarrasse de son cavalier : VLAM !
Voici le Diable à terre, un bel œuf sur le front, et son si bel
achat tout neuf perdu dans la nature !!!!
Le Diable se releva
en pestant, son mouchoir en tampon sur le front, et reprit la
direction de chez lui, un peu moulu. Quant à Jean, pour sa part, il galopa à
pleine vitesse jusque chez le Diable, ouvrit les portes qu'il lui
fallait ouvrir, remplit de nouveau ses poches de pistoles d'or, se
re-transforma en cheval et prit la fuite au grand galop.
Quand
le Diable arriva enfin chez lui, il trouva porte ouverte et logis
vide. Il ne fut pas long à comprendre alors, qu'il avait été
berné, et entra dans une grande colère !!! Usant de la formule pour
voir au loin, il chercha Jean, et le vit alors sous sa forme de
cheval, galopant toujours plus loin. Aussitôt, le Diable se changea
en loup et prit sa chasse. Il eut bientôt rattrapé Jean, qui
lestement, devint alors une hirondelle, et les crocs du loup ne se
fermèrent que sur le vide, tandis qu'à tire-d'ailes Jean fendait
l'azur à toute vitesse. Le Diable alors devint faucon, et chassa
l'hirondelle. Il allait bientôt la saisir, mais Jean, plus malin,
ayant aperçu la fille du Seigneur en partie de campagne, qui
mangeait du raisin sous une treille, devint aussitôt grain de raisin
et roula sur la gorge de la jeune fille, jusque dans son décolleté.
Le Diable aussitôt se mit en grain de blé, et suivit le même
chemin. Mais la jeune fille, incommodée, avait secoué sa robe, et
grain de blé comme grain de raisin tombèrent alors à terre. Jean,
vif comme l'éclair, se mua en coq immédiatement, et se jetant sur
le grain de blé, l'avala sans plus ample informé, avant que le
Diable, étourdi de sa chute, n'ait repris ses esprits. Jean alors
rentra chez lui, alla chercher ses parents, et les mena jusque chez
le Diable, où ils prirent possession de son grand domaine. Après
l'avoir un peu nettoyé de toutes ses diableries, ils y vécurent
heureux, et Jean, devenu bon parti et fort joli jeune homme, finit
par épouser la fille du Seigneur de l'endroit, fort heureux de
pouvoir, à loisirs désormais, promener ses doigts dans le doux
décolleté de sa belle.....
Le dernier écho de vielle s'éteignit doucement, tandis qu'éclataient les applaudissements. La lumière rallumée donna le signal du départ, mais certains s'attardèrent à causer encore, par petits groupes.....Dehors, le brouillard n'avait point faibli, le froid mordait encore, et nous rentrâmes par les routes campagnardes, au pas, les voix des deux conteurs encore dans les oreilles. Nous avions passé une vraiment belle soirée.
[ Pour info, il existe un autre "Jean-le-Chanceux parmi les contes, celui des frères Grimm, mais celui-là, vous n'aurez aucun mal à le trouver- et la trame en est tout autre.]
[ Pour info, il existe un autre "Jean-le-Chanceux parmi les contes, celui des frères Grimm, mais celui-là, vous n'aurez aucun mal à le trouver- et la trame en est tout autre.]
Ah, je l'adore celui-là... et tu le racontes bien.
RépondreSupprimerBravo!.
Merci beaucoup, Pomme ! je le savais, qu'il te plairait, celui-là...:)
SupprimerQue d'histoires racontées pour habilement choir dans un décolleté!
RépondreSupprimerEn fait j'aime qu'on me raconte de si belle manière, même si gorge à offrir en récompense, je n'ai point, ou plus, et même point t'eus.
* T' avais raison, j'ai bien fait de rappliquer, sauf qu'eul TGV dan'l brouillard, le paysage c'est plutôt "Ouate de tabaslack".
Hé hé héééé ! celui-là, c'est du vrai du beau du lourd ! J'avais raison de vous tenir en haleine, et c'est vrai que retranscrire tout cela, de mémoire, par bribes, ce ne fut pas la mince affaire !
SupprimerLe brouillard, heureusement, ça dure pas....sorti de la gare, tu verras ! y fera beau !
ça me rappelle les histoires que me racontait ma grand-mère, ça commençait comme ça : "c'était du temps où le diable vivait parmi les gens...". Tu as un don de conteuse, ça ne fait nul doute ;))
RépondreSupprimerMerci, Lucia ! je suis contente que tu aies aimé ! :)
SupprimerJ'adore la chute dans le décolleté...Hé,hé!
RépondreSupprimerL'important dans la vie, n'est-ce pas de....rebondir ? ;-)
Supprimeroui, mais pas trop haut, sinon, tu te cognes au plafond. ou alors t'installe le trampolin en plein air, biensur.
SupprimerLe bon sens même, JP ! ;-)
Supprimersuper.
RépondreSupprimerça file envie d'écrire des conneries qui voltigent, pètent, se saignent ou marchent dans la nuit sur les petits chemins de pierre blanche.
il faut ressuciter colinot trousse-chemise.
adieu!
Merci, JP !
Supprimerpour ben et sa balle dans la tête :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=ihCbVT637aM
adieu