Jeter d'abord cette enfance de cas social, dont la honte la brûlait tellement qu'elle n'en parlait jamais. Son poivrot de père qui rentrait toujours saoul, l'argent bu, mauvais et hurlant contre les poids morts à traîner qu'elles représentaient, sa mère et elle. Les cris, les coups, les meubles fracassés, la porte qui claquait et les hommes, tous les hommes qui la franchissaient, grâce à qui elle mangeait. La honte brûlante de Julia, cette enfance dont elle avait eu tant hâte de sortir. Serrant farouchement les dents sur ses livres, résolue. Cherchant le moindre petit boulot dès qu'elle l'avait pu.
Elle avait cru s'en être débarrassée, de cette enfance collante, durant toutes les années d'après, et réalisait seulement maintenant qu'il n'en était rien, qu'elle n'avait fait que la fuir encore et encore, dans chacune de ses journées, essayant de la jeter dans un puits sans fond dont elle ressortait à chaque fois. Sa hantise principale : que personne, jamais, ne sache. Jusqu'ici elle avait à peu près réussi. Et maintenant qu'enfin elle allait habiter sa propre vie, il allait falloir en finir avec ça, une bonne fois. A jamais. Son enfance : c'était le premier lambeau. Et il était désormais derrière elle.
Absorbée par ce qu'elle revoyait, elle faillit rater la route qu'elle devait emprunter, fut obligée de revenir sur ses pas, se concentra, elle arrivait. L'hôtel étalait son parking là-bas, devant elle ; elle s'y gara, se présenta à la réception afin de retirer sa clef et remplir les formalités.
Elle récupéra son bagage dans le coffre, gagna sa chambre ; elle avait à peine jeté un regard distrait sur la décoration, le mobilier, vérifiant seulement la propreté apparente. Tous les hôtels se ressemblent, pensa-t-elle, on n'y croise que des âmes errantes et des corps défaits. Le sien ne devait pas être beau à regarder après tant de kilomètres, elle se hâta de prendre une douche et de se changer, se sentit mieux. Elle détestait se sentir négligée, Julia, depuis toute petite elle avait fait tant d'efforts pour se tenir. Le laisser-aller lui était étranger. Patiemment elle avait composé sa carapace, solide et sûre, à l'abri de laquelle elle avait pu vivre, tant bien que mal.
Elle trouva un restaurant dans un gros bourg de l'intérieur des terres ; elle avait préféré tourner le dos à la mer pour cette première soirée, s'assurer de ne pas céder à la tentation.
Ce n'était pas encore bondé, la saison n'avait pas vraiment commencé, mais on sentait que tout le monde préparait l'été et l'atmosphère, joviale, avait un petit quelque chose de détendu qu'elle n'avait encore jamais vraiment connu, vraiment vécu ; l'affluence était en terrasse, aussi préféra-t-elle une table tranquille à l'intérieur, d'où elle pouvait observer dehors à son aise. Le crépuscule tombait à peine, une lampe était allumée sur sa table et Julia prit plaisir à dîner, savourant son repas, l'oreille tendue vers les voix du dehors, l'œil aux aguets, discrète. Un léger sourire jouait sur ses lèvres habituellement pincées, malgré elle.
Ses souvenirs remontaient par morceaux, décousus, sans ordre, et lui semblaient ceux d'une autre, vus d'ici ; distanciés ; désamorcés...
(à suivre)
on rentre peu à peu dans l'histoire comme le livre que l'on apprivoiserait en le dégustant par petites touches fragiles et sensibles mais surtout sans impatience puisque l'on a appris -n'est-ce-pas- à laisser vivre les silences entre les pages, c'est sans doute cela le prix de la sincérité!
RépondreSupprimer;-)
C'est quand, la suiiiiiite ? Vite, j'espère. Viiiiteuh !
RépondreSupprimerOUAIHHHH!!!!
RépondreSupprimerLa suite, la suite!!!
P.
@ J.J. : Oh, c'est une histoire qui se dévoile pas à pas, avec une drôle d'articulation ; C'est vrai, je crois, tu as trouvé le mot : Julia s'apprivoise.
RépondreSupprimer@ Bluebird : Quand t'auras appris cet épisode par coeur ! :)
@ Pomme : eh eh...on y travaille.....:)
C'est encore plus agréable de te lire en suivant ton fil que de reprendre tes textes déjà publiés. Fiction, as-tu dit ? M'étonnerait pas qu'il y ait aussi un peu de toi en cette Julia... J'attends la suite...
RépondreSupprimerY en a pas tant que ça de moi, en Julia...surtout que MOI, je connais la suite, héhé ! accrochez vous les mignons....ça vient !
RépondreSupprimerOh comme tu sais joliment nous tenir en haleine...cette Julia, on l'aime déjà avec l'envie de l'entendre confier ses redoutables...
RépondreSupprimerhéhéhé.....à suivre......:))
RépondreSupprimerTout pareil... je relirais en attendant la suite, ça emporte ...
RépondreSupprimerLa suite, livraison prévue dans la journée, quand j'aurais le temps ! Merci, Laure !
RépondreSupprimerDélicieux Merci
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