C'est une maison. Bleue. Ce détail a sans doute de l'importance : la maison est bleue. C'est l'Oiseau qui l'a offerte à Kat, parce que sans doute elle lui avait parlé, à lui. Peut-être lui a-t-elle raconté des histoires de bayous et de Nouvelle-Orléans, pleines de putes noires et de bouges enfumés, et d'hommes à la voix éraillée jouant de la guitare, le soir, pieds nus dans la poussière, sous ce porche justement, tiens, là, sur ce banc.....Peut-être lui a-t-elle parlé de pêcheurs en méditerranée, dans des villages de bord de mer écrasés de soleil, où l'on entend d'autres musiques et de belles voix de femmes....
Elle était une question, cette maison là, avec son banc qui attend et ses volets mi-clos ouverts en cœur....
Kat ne s'y est pas trompée, qui n'a rien dit de ce qu'elle y voyait, elle : n'a fait que poser les questions, parce que c'est comme ça, c'est ça qu'elle est Kat, une question.
Je me suis dit à ce moment-là que la maison bleue, au fond, elle pouvait être partout où on la veut, partout où on la rêve. Alors moi, j'ai pris la maison de l'Oiseau et les questions de Kat, pour vous raconter ici
Je me suis dit à ce moment-là que la maison bleue, au fond, elle pouvait être partout où on la veut, partout où on la rêve. Alors moi, j'ai pris la maison de l'Oiseau et les questions de Kat, pour vous raconter ici
Les histoires de la maison bleue
1 - Julia
Julia roulait depuis le matin, et commençait à être fatiguée. Des heures d'autoroute sous un soleil de plomb, ainsi qu'il est convenu de dire. Julia sentait le dos de son chemisier coller au siège de sa voiture ; ses bras n'en pouvaient plus de tenir ce volant, ses yeux fatigués piquaient, ses jambes s'ankylosaient. Arriver, nom d'un chien ! et sortir de ce four ! Elle n'avait plus que cette idée en tête, lancinante, et bouffait du kilomètre.
Encore dix minutes et elle sortirait de l'autoroute, le péage s'annonçait, elle prépara son ticket et sa monnaie, fouillant son sac d'une main, sans trop quitter la route des yeux, après avoir levé le pied et rejoint la voie de droite. Ça roulait bien, depuis ce matin, elle y vit un bon augure. La vie avait l'air de l'aider, elle se dit qu'il était temps que ça lui arrive, qu'elle n'allait pas laisser passer la chance !
Finalement, sans doute avait-elle eu raison de choisir d'aller vivre ailleurs, et de laisser sa vieille vie derrière elle, comme le lézard sa vieille peau. Elle pensa au lézard parce que sa mue s'en allait en lambeaux, comme sa vie à elle.
Elle passa le péage et prit quelques instants pour consulter sa carte, marcher un peu ; l'asphalte tenait de la plaque chauffante, l'air immobile pesait de tout son poids. Il y aurait des orages, peut-être ; la canicule se prolongeait déjà depuis quelques jours, et vivre demandait un effort ; respirer devenait volontaire. C'était pour respirer, justement, que Julia bouleversait toute sa vie.
Elle remonta dans son auto, contact, clignotant : la route était devant elle comme une promesse, elle s'y engagea résolument, sentait monter en elle une sorte d'allégresse, de fébrilité, qu'elle n'avait plus connues depuis longtemps. Elle accéléra, retrouva sa vitesse initiale, eut envie de chanter ; elle avait confiance.
C'est à la deuxième sortie qu'elle quitta l'autoroute, la carte repliée devant elle sur le tableau de bord lui désignant sa route. Dans une heure elle serait à l'hôtel où elle avait réservé, où, encore un coup de pot, une chambre s'était trouvée disponible. Elle prendrait une douche. Irait manger quelque part. Irait peut-être voir la mer... Non, plus tard la mer, demain, après la visite... Elle fera durer l'attente, le plaisir n'en sera que plus fort, elle le savourera mieux ainsi....
Demain elle visitera cette maison, saura si c'est "la sienne", celle qu'elle attend depuis si longtemps... Elle aura le temps de faire un tour dans le coin, de découvrir un peu...Elle n'est jamais venue dans cette région, c'est pour cela qu'elle l'a choisie. Parce qu'aucun souvenir ne la souille. Une peau neuve, Julia. Une vie neuve, fragile et tendre, comme une peau d'enfant. Propre. C'est ce qu'elle se dit, pleine d'espoir, tandis qu'elle roule vers la vie qu'elle se choisit enfin, sa vie à elle, sa vie pour elle. Elle se répare, Julia. Elle mue.
(à suivre)
Vivement demain...
RépondreSupprimer;-)
Ouh là làààà ! Va pas si vite malheureux ! Demain ! Mais ma parole, tu veux ma déchéance mentale ! Déjà qu'elle est bien entamée....! :)
RépondreSupprimerC'est superbe ! Bravo et merci (et comme Jean-Jacques, vivement demain).
RépondreSupprimerBises, Anne.
L'oiseau
Et, comme à J.J., je te réponds : holà ! pas si vite gourmand ! :)
RépondreSupprimerBon, les commentaires ce soir ça déconne, si tu trouves trois fois le même ou presque, c'est pas que je suis givrée, c'est que blogger déconne.... Super bon de te retrouver c'est ça que je te disais....et alléchée, et voilà...
RépondreSupprimerElle mue, et je m'émeus... Miam, cette maison bleue, adossée à la colline...
RépondreSupprimer@ Framboise : t'en fais pas, les coms je gère, ouais je sais, blogger déraille sévère...Bon, voilà, c'est l'histoire de Julia qui commence...
RépondreSupprimer@ Blue : haha ! t'as faim ma belle ? la suite se prépare....:)
Anne, j'ai souri en lisant que j'étais une question, un peu étonnée, je pense être plusieurs questions, j'énumère... Puis, j'ai lu le premier texte que la maison bleue t'a inspiré, et là j'ai eu les larmes aux yeux, c'est souvent me diras-tu... Ce texte me parle beaucoup, vraiment. Sans doute, tu n'en seras pas surprise. Bises à toi, je reviendrai tous les jours pour lire la suite, même si elle n'est pas pour demain. (PS : Je vais, par curiosité, retrouver les questions que j'ai pu posées sur cette photo, sourire).
RépondreSupprimerAh, Kat, j'aurais dû dire que tu es un questionnement ! ! ça aurait mieux collé...:)Kat, le questionnement universel ! ça devais être en juillet dernier, je crois....
RépondreSupprimerBon, je crois que je vais finir par t'envoyer des Kleenex ! :))
Mais, je ne suis pas surprise, non.
Et je suis bien contente de te lire.
Ah, ben ça y est! C'est reparti???
RépondreSupprimerPas trop tôt!!!
Busine, ma fille, busine...
P.
Ceci dit, Pomme, je sais pas du tout où je vais avec cette pauvre Julia...quoique, si, en fait. Et je vais tous vous scandaliser, héhé ! (quoique...)
RépondreSupprimerEst-ce que ça marche ce matin ? On verra bien. Donc, j'avais envie de te dire que oui, bon sang, ça fait du bien de te retrouver chez toi !
RépondreSupprimerInspirée, tu l'es, en nous embarquant dès le premier chapitre dans cette histoire de nouvelle vie qu'on prendra du plaisir à lire, chaque fois que tu nous en offriras un petit morceau. Bises, ma Belle.
ça marche ! Merci beaucoup Framboise ! héhé...je vais encore vous emmener promener dans une histoire comme ça....:)
RépondreSupprimerEnfin tu es reviendue avec ta plume pour nous chatouiller les rêves endormis....
RépondreSupprimerMerci!!!
et n'oublies pas les lapins chocolactés!
Bises
Troquer ses bleus
RépondreSupprimerlaisser monter au ciel
ces lambeaux de peau
troquer ses bleus pour une maison
cyan
les poumons obturés, cyanosés,
oublier
laisser monter aux cieux un regard doux
laineux
pour habiter ce lieu couleur
mésange
Oh, ma Dom, le joli poème ! Merci tout plein, c'est formidable !
RépondreSupprimerGros bisous chocodoux !
Ah! de la littérature!
RépondreSupprimer"...la carte repliée devant elle sur le tableau de bord lui désignant sa route."
RépondreSupprimerEnfin quelqu'un qui conduit normalement.
@ Gaétan : voui, enfin disons qu'on essaie, c'est juste que j'avais envie de raconter cette histoire, du moins mal possible....
RépondreSupprimer@ Dom A.: Ah oui, une bonne vieille carte ça vaut bien tous les GPS, et puis, ça mobilise ton cerveau, au moins, et puis, t'es pas là à te faire suivre avec traçabilité, passif comme un nouveau-né, tu t'assumes en adulte, quoi. T'es plus libre, bien plus libre !
Bah, je te l'ai déja dit, j'aime ce que tu fais, enfin ce que tu écris, faut pas non plus éxagérer ! Et comme les autres, j'attendrai la suite avec impatience.
RépondreSupprimerBe Zoo (au fait tu parles anglais ?)
Merci, Michael ! Bah, tu sais, ce ne sont que de petites histoires comme ça - quant à mon britannique, il est rudimentaire mais j'arrive à comprendre quand c'est écrit. Les locutions par contre me posent parfois problème.
RépondreSupprimeril faut qu'elle la choisisse cette maison ! À moins que ce soit l'inverse qui se produise :))
RépondreSupprimerVivement la suite comme on dit !
Un beau dimanches de Pâques, que tu sois athée ou pas xxx
Qu'y a t-il après la mue ?
RépondreSupprimer@ Rainette : joyeuses pâques à toi aussi ! oui, je suis une mécréante invétérée, mais qui garde une place pour les cloches baladeuses dans sa mémoire et...dans son estomac ! :))
RépondreSupprimer@ Myel : Après la mue ? et bien, une peau neuve, Myel, plus souple et plus habitable, plus douce & dans laquelle il fera meilleur vivre ! c'est bien pour ça qu'on mue, de temps à autre ! de temps en temps, il faut chercher sa peau neuve...:)
magnifique d'élégance et de sobriété, ton texte est ciselé à souhait. On suit les mots comme on suit Julia dans sa nouvelle vie. J'ai songé au roman de Quignard (que j'ai adoré) : Villa Amalia, une histoire de renaissance aussi, l'histoire d'une femme "enfuie" en Italie, tombée amoureuse d'une maison, bleue elle aussi (dans le film éponyme), et, surtout, l'histoire d'une femme revenue à la vie.
RépondreSupprimerJoyeuses Pâques, Lucia ! et merci beaucoup ! je note Quignard, je ne connaissais pas du tout, et je serais curieuse de lire sa Villa Amalia !
RépondreSupprimer"Julia" ne fait que commencer, c'est une histoire qui a mis longtemps à gester, depuis cet été, je ne la "voyais" pas bien, Julia, je l'avais entrevue en regardant la photo de Bluebird, et elle ne s'est dévoilée que vraiment peu à peu, et encore, avec beaucoup de réserve ! Julia n'est pas quelqu'un de facile, tu vois, c'est un puits de silences...:)
Rabelaisienne Anne je t'aime.
RépondreSupprimer;-)
Fort aimable à toi, Yvan ! :)
RépondreSupprimerC'est bien de muer...elle va la trouver sa maison ! j'aime ce texte...bizzz
RépondreSupprimerMerci Rénica ! Je crois bien qu'on finit tous par trouver sa maison, et qu'il est bon, en effet, de muer de temps à autre.
RépondreSupprimerComme c'est bien écrit !
RépondreSupprimerMerci, Eléonore, je ne sais pas si tu apprécieras "toute" l'histoire, et j'espère qu'en tout cas tu apprécies le début ! :)
RépondreSupprimerOuh la la ! J'ai pris un sacré retard dans ma lecture pendant mes vacances. Il faut dire que tu as mis le paquet ;-)
RépondreSupprimerJe reviendrai te lire très vite, Anne.
En attendant, de gros bisous !
Merci Françoise ! remarque, ainsi tu t'épargne les affres de l'attente jusqu'au lendemain, tu vas pouvoir te l'offrir d'un seul coup ! :)
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