Julia - f
Enfin, la visite fut terminée. L'homme était attendu pour un autre rendez-vous, il refermait les volets et Julia vit se rendormir la maison, pénombre de nouveau faite, et la sensation qui l'avait saisie en entrant l'envahir de nouveau ; simplement, cette sensation, neuve pour elle, elle ne savait pas la nommer. Ce qu'elle avait ressenti en entrant là, qu'était-ce donc ? Cela la préoccupait tandis qu'ils franchissaient le seuil et que la clé, tournée de nouveau dans la serrure, ramenait la maison à son engourdissement. Julia retint à temps sa main, elle avait failli la tendre pour réclamer la clé, et eut un petit sourire amusé devant l'impulsion qui l'avait saisie un instant. L'homme prit congé, et Julia alors annonça qu'elle prenait la maison. Ils convinrent d'un rendez-vous à l'agence pour le courant de l'après midi, afin de remplir les premiers papiers.
L'homme, pressé, ne s'attarda pas, et après s'être assuré qu'elle retrouverait sa route, il partit. Julia, elle, fit exprès de prendre son temps à chercher ses clés, sac posé sur le capot, et vit avec soulagement la voiture de l'agence s'éloigner dans le chemin. Lorsque le silence fut enfin revenu sur les lieux, elle garda ses clés en main, jeta son sac sur le siège du passager, ferma l'auto et s'y adossa en fermant les yeux. Elle écoutait l'endroit, et ça lui plaisait bien, la petite chanson de sa nouvelle vie.
Alors, doucement, elle repoussa le portillon, et fit de nouveau, seule, le tour de la maison silencieuse, prenant possession du jardin abandonné, des lieux endormis, de la grande maison bleue aux volets déteints qui dormait en souriant et qu'elle allait rouvrir. Elle souriait. S'assit sur le banc, sous la galerie, et heureuse, détendue, elle se laissa aller à ce sentiment étrange qui l'avait saisie là, et sur lequel elle s'interrogeait. Qu'est-ce que c'était donc ? Rien ne lui venant, songeuse, elle se releva, pensa qu'il était enfin temps d'aller rencontrer l'océan de l'autre côté de la dune, marcha vers le portillon délabré qui allait encore frotter. Ce n'est qu'en posant la main sur la poignée qu'elle comprit, dans un éblouissement, ce qui l'avait envahie là : un sentiment de sécurité.
Pour la première fois de son existence, Julia se sentait en sécurité. Elle en fut réellement ébahie. Quoi ! C'était donc cela qui donnait tant d'assurance aux autres, qui les posait dans la vie réelle, sereins et détendus, ouverts ? La sécurité ! C'était donc là le cadeau de la vieille maison bleue !
De dehors, elle regarda la maison de nouveau. Pas de doute, c'était bien cela. Alors, Julia sut qu'elle avait enfin trouvé ce qu'elle avait attendu toute sa vie.
Ici, elle allait enfin être heureuse, elle le sentait dans toutes ses fibres. Elle s'engagea en souriant dans le sentier qui coulait vers la mer. C'était là, derrière la dune ; elle entendait cette voix assourdie l'appeler depuis son arrivée. Elle voulait voir, enfin, cet océan à côté de qui elle allait vivre. Le chemin, devenant sentier au pied de la dune plantée de pins et d'oyats, tortuait devant elle.
Julia ne fut pas longue à s'y engager, mais ses chaussures de ville, ridicules ici, la blessaient et la gênaient. Elle prit un instant pour se déchausser, se hâta, ses souliers en main, vers le sommet où l'horizon soudain se dévoila devant elle.
(à suivre)
Oh oui !
RépondreSupprimerQuel enthousiasme, l'Oiseau ! le cri du coeur, hé ? :)
RépondreSupprimerQuel beau texte !
RépondreSupprimerJ'en suis tout retourné !
Se sentir en sécurité ...?
Pour moi, il me semble que le sentiment d'être en harmonie avec un endroit me touche encore plus .
Je reviens un peu dans la blogosphère, avec un nouveau blog .
L'ancien est trop lié à un évènement douloureux .
Je suis heureux de reprendre contact avec les amis .
Je vous souhaite une belle journée .
Le sentiment de sécurité, une des composante majeure de la confiance en soi, oui, je comprends ce que ressent Julia à cet instant!
RépondreSupprimerEt cette maison soudain devient l'ancrage positif qui lui manquait tant...
RépondreSupprimer@ Jean : Je suis heureuse de vous relire, Jean ! montrez-nous vite ce nouveau blog ! Le temps panse à peu près toutes les blessures, dit-on, et je vous envoie toute la compassion dont vous pouvez avoir besoin, éventuellement. Continuez de chercher l'harmonie...le sentiment de sécurité, à mon sens, procède bien un peu de cette volonté là, consciente ou non....
RépondreSupprimer@ Blue : Ah, Blue ! Je sais bien que tu sais, TOI ! :) C'est exactement cela ; cette maison sera son havre.
Très jolie découpe du texte:
RépondreSupprimerla sécurité, dans cette coque(bi) de planches, relève bien du phantasme: se penser
bien ici, seule enfin, livrée à soi même, loin de la prédation qu'est l'autre...
donc en sécurité...?
et par de-là la dune, cet horizon changeant, comme une promesse...
Superbe!
AGAIN!!!
Aimer une maison. La faire sienne, savoir qu'on va y être bien et sentir que oui, c'est là qu'on va enfin poser ses valises et sa nouvelle vie.
RépondreSupprimerEtrange histoire pour moi qui en ce moment passe des heures à visiter des maisons pour leur trouver un propriétaire. Difficile pour qui ne souhaite pas comme moi devenir un simple marchand de biens. Mais c'est une autre histoire. Merci de nous offrir la tienne, qui est bien plus romantique que le quotidien...
@ Dom : Tomorrow, baby.....:)
RépondreSupprimer@ Framboise : Mettre en adéquation un lieu et des gens, ça réclame de sacrées capacités d'observation et de déduction ! Vendre un "bien immobilier", comme ils disent, à mon sens c'est tout de même un peu plus que de refourguer de la pierre d'occase ! Enfin, ça devrait...pis écoute, l'essentiel est ailleurs - faut bouffer, pas vrai ? et ça peut être marrant à l'occasion, tu dois en voir passer du drôle de monde....de quoi en raconter, des histoires...:)
J'ai une petite question :) tu as dit être spectatrice de ce que fait Julia, alors j'aimerais savoir, de tout ce que tu as "vu" de son présent et de son futur (que nous ne connaissons pas encore) es-tu toujours d'accord avec ses choix?
RépondreSupprimerEtre d'accord ou pas impliquerait de devoir la juger.....:))
RépondreSupprimerJe la regarde, et je vous raconte ; sa vie lui appartient, je n'ai ni à approuver, ni à désapprouver, en l'occurrence, je prends juste acte, c'est tout.....:)
Sentiment de sécurité ? Was ist das ?!... Cette maison n'est-elle pas la représentation physique du ventre de sa mère ?!...
RépondreSupprimerSentiment de sécurité, oui mais pas trop.
Construction, création sont des résultantes de "se mettre en danger"... Alors, sentiment de sécurité, oui ma non troppo...
Pour pouvoir se "mettre en danger", il faut justement pouvoir disposer de quelque chose qui nous rende à notre sentiment de sécurité ! Car la mise en danger ne saurait être permanente, ou ce serait complètement inhibiteur et non créatif !
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