Julia - c
Le repas s'achevait, elle prit le temps d'un dernier café, s'attardant aux vêtements que portaient les gens. Tout était différent, plus souple, plus fluide, aurait-on dit. Elle sentait qu'elle était inappropriée, avec son tailleur structuré et ses escarpins vernis. Ici les femmes s'entouraient de tissus légers, amples, colorés ou pastels mais flous, elle aimait le mouvement de leurs jupes, ces blouses soyeuses qui tombaient si bien, et ces coiffures libres où le vent avait joué. Les chemises des hommes, largement déboutonnées, manches roulées, laissaient voir parfois le téton brun et plat par leur entrebâillement, lorsque l'un ou l'autre se penchait en avant, et elle frémit, le regard magnétique, gênée soudain de ces corps entrevus. Elle s'aperçut que c'était la première fois qu'elle remarquait cela. Dans son milieu, les cols des hommes étaient fermés d'une cravate, les polos ouverts n'en laissaient jamais voir autant.
Elle décida que cela lui plaisait, cette décontraction, cette aisance. L'insouciance semblait régner, les gens riaient volontiers, et ils riaient franchement, non pas comme le faisaient ses "amis", du bout des dents, retenus et policés ; ça sentait l'été, et la fête ; ça lui tournait la tête comme les rares tours de manège de son enfance.
Il faisait franchement nuit à présent, la fatigue la submergea soudain. Elle paya, sortit dans la nuit tiède ; des odeurs de résine et de plantes inconnues assaillirent ses narines, elle inspira profondément, charmée. Elle rentra à l'hôtel, ensommeillée. Demain elle allait visiter la maison, elle devait être en forme.
Elle s'endormit comme une masse ; pour la première fois de sa vie, elle avait laissé la fenêtre ouverte sur les odeurs de la nuit.
Au matin elle s'éveilla gaie, confiante ; sans trop savoir pourquoi tout d'abord, puis tout lui revint : elle allait voir la maison, qui serait peut-être "sa" maison ; le rendez-vous était à dix heures, elle avait le temps de savourer l'attente. Quand elle avait choisi de jeter toute sa vieille vie derrière elle, Julia avait décidé, pour une fois, de s'en remettre au hasard et de laisser la vie décider pour elle. Elle avait décidé de braver le destin. Elle pensait qu'il lui devait bien enfin quelque chose de beau, quelque chose pour elle, et lui avait donné une seconde chance. Elle n'avait choisi, posément, que la région. Le reste....elle avait pris la première agence immobilière qui lui était tombée sous les yeux, avait téléphoné ; s'était juste contentée de dire "je cherche une maison, dans telle fourchette de prix - état indifférent, lieu indifférent, dans telle région". Et elle avait laissé à son interlocuteur le soin de chercher dans ses stocks.
Le hasard avait parlé : il n'y avait qu'un seul bien à vendre, dans sa fourchette de prix ; délabré, abandonné depuis longtemps, dans une zone moins touristique de la côte, épargnée des investisseurs, restée rurale et agricole, une zone de pêche aussi, un hameau écarté du bourg et de ses jolies plages. Il fallait convenir d'une date pour la visite, Julia voulait-elle des photos ?
Elle refusa. Elle fixa une date, prit ses dispositions, et attendit la rencontre. Parce qu'une maison aussi est une histoire d'amour, se dit-elle alors. Elle ne voulait rien savoir avant de se trouver devant.
Elle se leva, prit sa douche, s'habilla ; fit la moue devant sa défroque de business-woman de bon ton, depuis la veille elle n'aimait plus ses habits - et dire qu'elle n'avait que des tailleurs de vieille rombière à se mettre ! - et se promit de jeter aussi toutes ces nippes à la première occasion. Elle choisirait ici ses nouveaux vêtements, et rêva devant des étalages de marché durant tout son petit déjeuner. L'hôtel était une ruche, les voyageurs allaient et venaient, sur le parking des portières claquaient, des moteurs tournaient. Julia avala ce qu'elle put, l'estomac noué d'impatience ; remonta refaire sa valise, ranger ses affaires, descendit son bagage dans le hall près du comptoir d'accueil ; attendit qu'on soit disponible pour elle, et paya sa nuitée.
Enfin, sa valise dans le coffre, elle reprit sa route. Le village qu'elle devait joindre était à une vingtaine de kilomètres, et elle y parvint rapidement, sans soucis. Elle se gara non loin de l'église, comme prévu, et se mit à attendre le type de l'agence, patiemment.
(à suivre)
Merci de répondre à notre attente aussi rapidement et avec tant de talent.
RépondreSupprimerMerci, Anneso, et bienvenue, je ne savais pas que tant de monde pouvait trépigner derrière...:)
RépondreSupprimerLes bienfaits du bouche à oreille.:)
RépondreSupprimerUn grand merci aux voix de l'ombre, alors ! :)
RépondreSupprimerEt alors, et alors..........
RépondreSupprimer:-)
Gourmande ! Tu verras bien ! :)
RépondreSupprimerBon, ça vient???
RépondreSupprimerAction SVP...
P.))))))
oh, ça,tu seras servie, mais va falloir patienter ! relis le début, de l'action, y en a, mais lente : parce qu'on est comme Julia, dans l'attente ! Et quand on poireaute, on rumine ! pour l'instant, c'est ce qu'elle fait - c'est tout ce qu'elle peut faire !
RépondreSupprimerC'est ça que j'aime dans le début de cette histoire, on rumine, tout peut arriver, on ne sait absolument pas où on va.
RépondreSupprimerOué...et je flippe un peu, parce que la fin de l'histoire pourrait bien vous faire froncer le nez...m'enfin, tant pis, faut prendre des risques dans la vie, des fois...c'est comme ça que j'ai vu l'histoire, j'y peux rien...et puis, je ne suis pas Julia, après tout, moi, je ne suis que celle qui la regarde.....:)
RépondreSupprimerLe principal est de provoquer une émotion, peu importe laquelle. Et il peut y en avoir des choses derrière un froncement de nez! :)
RépondreSupprimerTout à fait.....
RépondreSupprimerc'est joli ce RDV amoureux avec une maison,
RépondreSupprimercomme un nouveau vêtement,
un nouveau destin?
Là, tu ne crois pas si bien dire....:)
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