jeudi 16 juillet 2009

De la concupiscence chez le primate mâle civilisé



Une semaine de la vie compliquée d'Evariste Gaillard

Lundi :

Evariste Gaillard se réveille avec une trique pas possible. Hélas, il est seul depuis un assez long moment. Son orgueil et sa pudibonderie l'empêchent de se livrer à cet acte solitaire qui soulagea de toujours tant d'adolescents acnéiques et peu dégourdis. Evariste Gaillard va prendre une douche froide.

Mardi :

Dans le métro, Evariste Gaillard se trouve encastré par la foule dans la plantureuse poitrine d'une matrone quinquagénaire. Arrivé à son bureau, il ne s'en est pas encore remis, et se félicite in petto d'avoir endossé un vaste imperméable ce matin. Dans l'ascenseur, il croise Martine-de-la-compta qui n'arrange rien avec son tailleur moulant et son postérieur ondulatoire. Evariste Gaillard se demande si l'honneur va rester sauf jusqu'aux toilettes du troisième, où il s'engouffre à la hâte. Momentanément sauvé (et soulagé), Evariste Gaillard s'attaque héroïquement aux dossiers du jour.

Mercredi :

Evariste Gaillard pense à draguer Josiane-du-standard mais ne voit pas comment s'y prendre, ses dernières ouvertures ayant obtenu une fin de non-recevoir. Le midi à la cantine il apprend qu'elle est depuis dix ans avec une nana de son club de fitness. Evariste Gaillard trouve que la vie est injuste et envisage d'aller effectuer un rapport rémunéré sur le périphérique. 20 h : Evariste Gaillard roule et remarque bien quelques dames, mais sa timidité le retient, et puis la peur des maladies, et puis la peur d'un mauvais coup. 21 h : Evariste Gaillard, déprimé, décide de rentrer regarder la télé. Il n'a pas conclu. Dans ses reins passent des ruts sauvages. Il ne reprend pas de douche froide : il s'est enrhumé lundi.

Jeudi :

Evariste Gaillard, toujours en proie au démon de la concupiscence, commence à ne plus savoir à quel saint se vouer et se creuse la cervelle désespérément pour savoir où trouver un vagin accueillant - le reste étant pour lui accessoire. Evariste Gaillard n'est amoureux de personne mais tirerait volontiers sa crampe. Doit-il tenter le speed-dating ? Explorer les sites web ? Evariste Gaillard envisage de se poster dans la rue, un pannonceau au cou ainsi libellé : "célibataire en état de frustration sexuelle totale cherche main secourable". Dans la foulée, il se dit que les petites annonces... Mais aura-t-il le courage, devant une impétrante, de lui dire tout de go qu'il ne pense qu'à ça et voudrait coïter tous azimuts ? Evariste Gaillard est dans l'expectative.

Vendredi :

Evariste Gaillard, de plus en plus hanté par l'envie de s'immerger tout entier dans le stupre et la fornication, se fait vertement rembarrer par les spécimens du personnel féminin de sa boîte auxquels il s'adresse ; ce qui n'a rien d'étonnant, étant donné sa rare maladresse, son extrême timidité et le fait qu'un empoté laisse mal augurer de ses prestations intimes. En outre, son aspect désuet ne plaide pas pour lui. A la sortie de 17 h 30, personne n'accompagne Evariste Gaillard. Mais la moitié du personnel est désormais au courant de son invalidité et quelques uns de ses collègues masculins lui lancent en passant quelques rictus accompagnés de coups d'oeil goguenards. Evariste Gaillard est mortifié, et voue l'intégralité du genre femelle aux gémonies tout en rêvant de viols farouches sur la personne de quelques unes d'entre elles. Heureusement, Evariste Gaillard est très souvent velléitaire.

Samedi :

Evariste Gaillard erre en ville comme une âme en peine, primitivement dans le but louable d'effectuer ses nécessaires achats, mais assez vite, son besoin non assouvi lui tenaillant cruellement les bas morceaux, il détaille en douce toutes les protubérances mammaires passant dans son champ visuel, les soupesant en pensée, et tâchant d'attribuer à chacune la bonne taille de sous-vêtements, allant même jusqu'à essayer de dresser des statistiques. Mais des tiraillements et autres élancements divers dans l'extrême sud de sa personne perturbent hélas fréquemment ses tentatives mathématiques. Evariste Gaillard est en train de devenir un parfait obsédé sexuel, à sa complète consternation. Il envisage de se faire prescrire du bromure, sa situation lui semblant relever de médications énergiques.

Dimanche :

Assez déprimé, Evariste Gaillard pense qu'il a passé une semaine exécrable. La perspective du retour au bureau lundi sous les sourires pleins de sous-entendus de ses collègues mâles et femelles ne lui sourit guère. Son souci persistant n'a vu aucune issue, et semble n'en prévoir aucune. Aussi reste-t-il enfermé chez lui à ruminer son (dur) problème, traversé par instants de visions scabreuses qu'il doit peut-être à la fièvre, son rhume de lundi paraissant tourner doucement en bronchite. Esseulé de ses semblables et maudissant tout ce qui s'apparie, même les prises de courant, Evariste Gaillard, tout en maugréant contre l'imbécile humanité, préfère rester couché dans le noir.

Lundi :

Résigné, mais néanmoins déterminé, Evariste Gaillard va en kiosque acheter "Union".


Anne, fin 2007

25 commentaires:

  1. Eh ben ! comme tu les connais bien, les intellos ! très bien écrit, comme d'habitude, bravo !

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  2. Hihi, merci Jorge,j'espère t'avoir arraché un sourire en coin...

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  3. Oui en effet ! On s'y retrouve bien, sauf qu'il existe fort heureusement des solutions...

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  4. Hihihi ! Ah bravo, c'est du propre ! Et Union, en plus ! hihihi !
    Toute plaisanterie dans le coin, bravo, superbe.

    Bisettes
    L'oiseau

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  5. Jorge : oui, heureusement !

    Rénica : oui et non ; oui, ce qu'il vit est pathétique ; en même temps, pleurnicher sur ses manques ne l'aidera pas à les combler...
    Mais c'est une bonne occasion pour se demander si on fait bien d'être aussi "arrogants" quand on les croises, les Evaristes...aussi condescendants...
    Pourtant...les prendre en pitié les aiderait-il vraiment ? autant les armer non ?

    L'Oiseau : bin oui, mon pôv'gars, des fois je dérape...

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  6. hahaha ! Excellent ! Portrait au vitriol : tu es féroce et j'adore ! La condition masculine n'est pas toujours drôle. C'est vrai ça, on n'en parle jamais !!! C'est toujours avec un soupçon de mépris dans la voix que l'on parle de la "condition féminine" qui est forcément pas très enviable. Ce pauvre homme fait pitié comme dit Rénica, et sous ta plume il nous fait rire ! c'est toujours ça de gagné !

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  7. heu je crois que c'est à lui de gérer son problème....

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  8. Carole : oué, pas fastoche d'être un homme ! surtout aux yeux....des autres hommes !

    Rénica : en effet, c'est à lui ; on peut juste éventuellement éviter de le piétiner alors qu'il est déjà par terre, disons...ce que je n'ai d'ailleurs pas fait ; quand je disais que j'avais de mauvais côtés, hein....!

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  9. Bon, et sa prochaine semaine, elle va être comment???
    La suite! la suite!
    PP

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  10. Une suite ?! Pomme, vous êtes cruelle ! ne trouvez-vous pas que le malheureux a eu assez de celle-ci ?

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  11. Très drôle!!
    Je suis bien contente d'être une femme pour ne pas connaître ce genre de problème (mais on rencontre d'autres, y'a aucune justice!)

    Sinon, tu es amie avec moi sur facebook sans que je le sache???
    (Ou comment as tu trouvé mon com' chez la folle aux bébés congelés...??)

    Ouais, je suis presque aussi curieuse que Mouflette ;-)

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  12. Hahahaha ! Pas de parano la Mite ! c'est juste qu'on a Bluebird comme ami commun, et que du coup je t'ai repérée en regardant sa liste d'amis, avec ton "mur" du jour d'affiché à côté de l'avatar ! du coup chuis allée voir...
    Relax ! Big Brother not watching you !

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  13. soudain le doute ma bite
    est-ce que "l'Union" fait la force?
    :-)

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  14. Hahahaha ! bien vu J.J ! Dans le cas présent, il semblerait qu'on y ait placé en tout cas beaucoup d'espoirs !

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  15. Evariste, il faut que tu te prennes en main !... Enfin... euh... ;-)

    Texte superbement bien écrit, Anne.
    Bisous à toi, et bon dimanche.

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  16. Aouf ! comment qu't'y va là, Françoise ! :-)
    Je suis pas la môme kaléidoscope non plus, hein...!!!

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  17. Super la semaine d'Evariste, il est à plaindre pourtant...c'est très bien raconté Anne, quel talent ! bise et bon dimanche...

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  18. Merci le Pierrot, bon dimanche à toi aussi ! C'est pas très chariable de ma part, mais je me suis marrée comme une grosse dinde le jour où j'ai pondu ce truc-là !

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  19. Bonjour Anne, ici Evariste, tu fais quoi ce midi ?

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  20. J'ai un "12-14" avec une copine au hammam du coin, chuis désolée mon pôv'loulou, ch'peux rien pour toi...

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  21. Vous savez, Evariste, si ça s'trouve c'est un super bon coup ! Il ne s'est pas encore révélé, c'est tout !

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  22. Hé bé j'avo pas lu ce billet ..écroulée de rire
    ben y a qu'à mettre une petite annonce y a bien des petites dames frustrées qui demanderont que ça de lui rendre service
    quoique le temps qu"elles se décoincent le pauvre restera encore longtemps exécrable.au boulot

    Trop marrant ce billet ;-)

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  23. Oui, hihi, j'ai bien rigolé le jour où j'ai commis celui-là !

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allez, dites-moi tout !