jeudi 21 février 2013

Québec, jour 2


ça, c'est l'Amérique !

Après cette soirée impromptue chez France, nous sommes repartis, Yvon et moi, chez lui, où je devais loger pour cette première nuit. Inutile de dire que nous sommes restés jusqu'à point d'heure à papoter, moi dans la chaise berçante, sous la hotte de la cuisinière ( y a un enfant dans cette maison, le show de boucane, c'était pas très souhaitable...), Yvon sur un siège non loin. Son appartement est beau comme un bateau, prenant le jour d'Est et d'Ouest, traversé de lumière – ce que je découvrirai le lendemain, et dos à la fenêtre de la cuisine on voit la fenêtre du séjour, l'oeil va toujours au loin, c'est chouette. Un endroit super bien orienté, très commode à vivre, à ne surtout pas lâcher. Et «  CE » canapé, ah, quel confort ! Un vrai paquebot ! Un point commun avec Yvan, dont je découvrirai, à la fin de mon séjour, que le sien n'est pas moins confortable.

J'en déduirai ceci : Mesdames, si vous avez dans vos amis un célibataire quelque peu esthète, montrez-lui votre intérieur, qu'il l'ait en mémoire, et confiez-lui le soin d'aller choisir votre sofa : vous n'aurez pas à vous en plaindre, croyez-moi. S'il y a un meuble dont il faut confier l'achat à un homme, dans une maison, c'est bien celui-là. Et un homme SAURA, lui. Il vous trouvera « le » sofa-qui-va-bien. Clair.

J'ai adoré, aussi, la bibliothèque d'Yvon - du costaud, mes agneaux !

Tard dans la soirée, comme nous nous trouvions pris d'un petit creux, Yvon et moi, il eut l'inspiration de me faire goûter « SA » soupe chinoise....et là, j'avoue avoir dressé mes signaux d'alarme : « chinoise » ( pour moi, « exotique » = beurk), contenant du CHOU ( pour moi, chou = chiottes, bêrk, à pouah caca absolu). Mais Yvon, c'est Yvon ; il importe de lui faire confiance, et il est bon, parfois, de laisser un homme décider et prendre les choses en main. Dont acte.
Tenter, de toute façon, ne coûte rien.....mais j'appréhendais.

Eh bien, Mesdames et Messieurs, j'avoue, ici, sur la place publique, que Yvon Roy, dessinateur-illustrateur-peintre-etc... québécois, a REUSSI à me faire goûter, manger, et APPRÉCIER, une soupe CHINOISE ousqu'y a du CHOU (mais pas n'importe lequel, ni fait n'importe comment !) !! Vous pouvez applaudir, congratuler, féliciter, ovationner cet homme, son exploit n'est pas mince. Et, si d'aventure il vous propose, un soir, « SA » soupe chinoise, si vous refusez, vous êtes réellement au-dessous du minimum vital d'intelligence.

Il y a néanmoins un pré-requis : elle doit, cette soupe chinoise, intervenir tard le soir, quand par une froide nuit d'hiver il fait mauvais dehors, et qu'on discute, paisiblement, dans l'atmosphère ouatée et conviviale d'une fin de soirée, quand toute l'animation de la journée reste derrière soi, dans cet appartement douillettement refermé sur son confort sybarite.

Ainsi soit-il.

Après quoi, dûment lestés pour la nuit, nous allâmes dormir – et j'ai passé, sur le canapé d'Yvon, une nuit paisible et réparatrice que je souhaite à bien du monde. J'ai dormi d'une traite et comme une souche. A 6 heures, j'étais debout, en bon état ma foi, et j'ai regardé l'aube depuis la chaise berçante, fumant sous la hotte, écouteurs vissés aux oreilles. La journée allait être trépidante, puisque nous attendions Yvan vers 10 heures, qui allait me faire visiter Montréal.

En attendant, Yvon a lancé « son » café, et son café, comme sa soupe chinoise, vaut vraiment le détour. Sauf que je n'en bois pas, ça ne me réussit pas. J'en ai quand même accepté deux gorgées, histoire de goûter la merveille. DEUX gorgées, pas plus, vous m'entendez ? Bin, j'ai failli en crever. C'est pas une blague, Yvon pourra en témoigner, ça ne me réussit pas. Si vous n'avez jamais vu un gars catastrophé se jeter sur un pichet d'eau, vous avez manqué quelque chose. J'étais morte de rire, affalée à la table de la cuisine, et je crois qu'on s'est piqué une bonne rigolade, la première alarme passée. L'afflux d'eau a dilué le souci, mes palpitations se sont graduellement apaisées, et nous étions encore en train d'en rire à l'arrivée d'Yvan. A part ça, un petit-déjeûner avec toasts et sirop d'érable, c'est vraiment « miam ».

Je ne l'ai pas sorti, chez Yvon, l'appareil photo. Très souvent, je n'y pense pas. Ce n'est pas un réflexe, en tout cas, surtout dans les soirées – les moments où je suis tellement dans la vie, que n'existe même pas l'état d'esprit nécessaire à ce recul qui nous en rend spectateur. Vivre ou voir, c'est ça, le dilemme. Il me manquera des photos de ce voyages, des images resteront à jamais pour moi seule dans ma mémoire, parce que je vivais trop ma vie, à ces instants. C'est ainsi.

Tiens, les sapins de Noël sont réfrigérés sur les balcons...ils doivent servir, l'été, de parasols.... ;-)

Nous avons terminé de déjeuner, puis Yvan et moi avons pris congé d'Yvon – Yvan a même oublié, en partant, le livre qu'Yvon lui prêtait. Nous sommes partis dans Montréal. Je ne saurais pas dire par où nous sommes passés...J'écoutais Yvan, et je regardais tout, les rues, les gens, les maisons, les autos, les vitrines....Tout happait mon regard, et j'aurais tant aimé une mémoire moins faiblarde – seulement je crois que tout ce que je fume ne l'arrange pas, ma pauvre mémoire. Et ne vous méprenez pas, je ne fume que du licite, ce qui n'est pas pour autant de l'inoffensif. Les photos que j'ai prises à travers les vitres de la voitures, en roulant, sont inexploitables : trop floues.

Non, ce n'est pas "l'Espion qui venait du froid", c'est Yvan, emmitouflé jusqu'aux yeux, qui fait  le guide touristique "spécial frenchie". 

On y voit de longues façades de briques rouges, ou jaunes, ponctuées de galeries et d'escaliers de fer, toutes ces structures de métal qui habillent joliment les bâtiments bas et permettent d'éviter une perte de place dans les constructions en terme de cages d'escaliers, tout en épargnant les frais de chauffages d'icelles. On y voit de jolies portes, colorées ou non. On y voit tout ce qui rend cette ville tellement spéciale et particulière.

Montréal a son âme propre, son ambiance propre, un cœur qui bat. Elle est aérée, on n'y étouffe jamais. Elle n'écrase pas, elle entoure et accompagne. C'est une mégapole, et pourtant c'est une ville à taille humaine. Elle est ponctuée de verdure et d'arbres. Les rues sont claires et larges, et on n'imagine pas, comme en France, de rez-de-chaussée obscurs comme des culs de basse-fosse. Il fait clair dans les bâtiments d'habitation, on sent qu'on donne ici une place à la lumière. Qu'on donne ici, plutôt, SA place à la lumière. Est-cela, qui façonne la façon d'être des gens ? Il doit bien y avoir des bas-fonds, comme partout, avec sa faune de paumés en tous genres, mais ça ne m'a pas frappée.

En journée, cette ville se vit, et l'on s'y côtoie cordialement, avec une patience et une politesse qu'on verra rarement à Paris. Les gens, dirait-on, réussissent à s'affairer sans cette hâte précipitée et brouillonne qu'on va trouver d'où je viens, et ça marche, et c'est efficace, et même si l'on doit attendre pour quelque chose, et bien, on ne ronchonne pas, on patiente et voilà tout. Ça, j'ai aimé. Montréal est une ville où tout le monde semble avoir le temps, sans pour autant perdre un instant. Pourrait-on dire que les gens s'y affairent intelligemment ?

Et puis, aussi, les gens se parlent, quand bien même ils ne se connaissent pas. Allez donc faire ça, dans une grande ville française.....d'un étranger, ça passera, d'un autochtone, jamais : les gens vont s'écarter, comme si vous vous prépariez à les agresser. On s'est fait seriner, depuis tout petit, «  qu'on ne parle pas à des gens que l'on ne connaît pas », primo, et deuxio, ça fait « peuple », et ça fait froncer le nez. Tout de suite, la réserve s'installe, la prudence pointe son nez, la paranoïa n'est jamais très loin. Mais Montréal est au-delà de cela, c'est une ville à flâner, à manger par petits bouts, une entité spéciale. Je l'ai aimée d'emblée, elle ne m'a pas déçue.

Nous avons arpenté Montréal....mais, c'est pas tout ça, il fait faim, peu à peu.... on passe à table ?

( A suivre)


22 commentaires:

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    1. Merci, Claire ! Toi qui connaît Montréal comme ta poche, es-tu d'accord avec ce que j'en dis ? comment, toi, ressens-tu cette ville ?

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  2. Tu l'as très bien saisi...Montréal est vivant, à sa propre âme et il y a des découvertes à faire à l'infini. C'est animé, le jour comme le soir. Et oui les gens sont chaleureux. Tout est accessible en Métro et en autobus. Montréal nous stimule le cerveau et les sens.
    Je te verrais très bien t'y faire ta niche dans cette ville et tu y serais heureuse. Voilà !

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    1. Merci, c'est tout à fait l'impression que j'en ai eue : une grande ville où j'arriverais à vivre. En cas de guerre, je sais où je demanderais le statut de réfugiée ! ;-)

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  3. Montréal me semble une belle et accueillante étrangère sous ton regard. C'est qu'on oublie, une ville reflète ses habitants et le Québécois est peu chialeux et cordial. C'est pas bien vue ici faire la gueule haute. La gentillesse, la courtoisie ont leur place de choix.

    Pour ce qui est du manque de lumière dans les appartements, on s'en plaint souvent. Mais avons-nous des comparatifs suffisants ? On ne se compare pas, voilà pourquoi le regard d'ailleurs posé avec ouverture sur nous est si bienvenu.

    D'une fille qui a habité Montréal plus de quarante ans.

    (merci pour la soirée avec Yvon - en alternance du "sous la hotte" et du sofa d'homme, en restant tout de même convaincu que bien des femmes choisissent de tels sofas, mais là on est dans le typique et le coloré à la Anne et j'adore !).

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    1. Misère ! vous vous plaignez du MANQUE de lumière ?.... bin, Venise....attends d'être entrée chez des parisiens, dans leurs placards de 15 m², ou dans certains rez-de-chaussée de ma connaissance, qui voient le soleil deux heures par jour....Après, tu te plaindras plus de la lumière des apparts' montréalais, c'est clair ! ça m'a sidérée, tous ces endroits lumineux dans lesquels j'ai pu entrer !

      hihi, pour les sofas, Venise, c'est ma théorie, hein, parce que, je me dis : un gars, c'est balaize, faut qu'y soit à l'aise dans ses meubles, pour mater tranquille ses matchs à la TV . Si d'aventure il invite des copains, tu vas avoir un ou deux gros costauds d'étalés là-dedans, jambes écartées, plateau TV et bière sur les genoux, la manette au milieu. Faut que tout tienne sur le sofa, et ils choisissent du bien-allant pour que ça tienne. ;-)
      Sûr qu'une femme aussi peut se choisir du bon meuble, mais elle n'aura jamais les mêmes critères ! (et en passant, ton futon était hyper-confortable aussi, j'y viendrais en temps et heure ! )

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  4. Miam! Miam! C'est la total des récits. Merci.

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    1. De rien ! mais je commence à mesurer l'ampleur de la tâche, misère.....:/

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  5. Les deux Y s'y connaissent en paquebots!
    Tes billets sont un grand plaisir de lecture.
    Ton oeil neuf ici fut grandement apprécié
    pis crains pas ma chère,les laissés-pour-compte
    sont aussi présents ici que n'importe laquelle
    des villes nord-américaines de même taille
    à cette différence près, peut-être:
    les québécois sont plus sociaux-démocrates
    que le reste de l'Amérique du Nord par la filiation que l'on entretient avec cette
    langue et la culture qui vient avec:
    le français.
    Le québécois.
    Le québécois francophone ou phile
    d'Amérique du Nord.
    Pour certains américains nous sommes
    une curiosité géographique et témoin.
    Résistante.Une minorité d'entre eux
    s'intéresse à nous je dois dire.
    La plupart ramassent la mousse
    de caleçon dans leur nombril
    quant la manette de leur téléviseur
    ne l'obstrue pas. ;-)

    Il fallait te voir s'exclamer de curiosité
    et de bonheur "Beaudommagien" ici et là
    en ville avec tous les arrêts-photo
    et les exclamations de celle qui témoigne
    de nous, in vivo.
    Ça m'a beaucoup touché,
    cet aspect surréaliste d'un rêve
    devenu réalité.

    Tout ça creuse l'appétit!
    Astable!
    :-)

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    1. C'est vrai que toi, t'étais aux premières loges pour en profiter, de mes enthousiasmes ! ce que j'ai dû "faire ma touriste", quand j'y pense ! Hihi ! T'as eu bien de la patience et de la gentillesse avec moi, Yvan ! :)

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  6. Ce fut un grand bonheur
    à chaque instant au contraire.
    Ta présence était lumineuse.
    Tu as apporté l'été en février,
    la bonne humeur et l'intelligence
    poétique qui te caractérisent
    si bien.
    À plusieurs autres aussi je crois.
    Ton récit se lit comme un roman
    comme l'a bien dit Gomeux.
    C'est captivant.

    Toi qui me disais dans la Yaris
    ne pas avoir le souffle d'un roman,
    tu prouves le contraire ici.
    Chez-toi. Et c'est beau.
    Et c'est bon.
    Merci encore d'avoir pris
    le taureau par les cornes
    en décidant de traverser
    vers nous.

    Win-Win situation!
    xxx

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  7. Tu n'es pas une touriste ordinaire.
    Tu es une personne extraordinaire.
    ;-)

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  8. Pas besoin d'appareil photo quand on a tes mots...Ta mémoire fait mieux que l'objectif et pas si brouillée par la fumette... et au fait le "sfumato" c'était une spécialité de Léonard de Vinci...
    Pas trop d'accord avec toi sur Paris... moi j'y vois de la lumière et j'y ai vécu dans un 6° étage tellement ensoleillé que j'en suis restée frileuse à vie.
    Quant à la "convivialité" de nos concitoyens, elle s'améliore grandement grâce à l'apport de l'immigration. A Dreux, personne ne l'ignore, vivent bien des familles d'origine maghrébine; on s'y parle et on se sourit dans l'ascenseur du parking. Un puits de lumière aux murs couverts de plantes, de bambous, un jardin mural...
    Dans les rues , les jeunes filles portent le foulard, certes mais avec une élégance telle qu'on serait tentées d'en faire autant, si on avait la chevelure qui, par en-dessous donne le bon volume. Evidemment, certains de leurs frères ont des looks chelou et promènent des chiens qui me font changer de trottoir mais il y a des mammmas en djellabah et cabas dont on aimerait bien goûter la cuisine et puis, ces hommes vêtus de blanc au visage souriant et paisible.
    Pendant ce temps, l'agriculteur autochtone pollue et déprime... les temps changent...
    Allez... la suite Anne, la suite...

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  9. C'est difficile d'y apposer des mots.
    J'ai été ravi par ta présence.
    Ça prenait du courage.
    Traverser ainsi l'Atlantique
    par pur désir de communion
    lorsque l'on est comment dire
    euh, casanière.

    Tu parles magnifiquement bien
    d'un événement fou.

    Bises.

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  10. Merci Anne de tous ces éclairages lumineux sur Montréal et pour reprendre almanachronique, le mélange des tempérament des gens du nord et de ceux des pays chauds, crée cette atmosphère de chaleur!

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  11. J'aime beaucoup voir Montréal par tes yeux, ça met les choses en perspective. Par exemple, la comparaison que tu fais à la fin de ton texte, entre Montréal et Paris, les gens d'ici font exactement la même entre le reste de la Province et Montréal. Il paraît qu'ici, les gens sont impatients et ne se parlent pas...

    Ça laisse imaginer où les choses en sont à Paris!

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    1. Heu ? Naaaaan, c'est vrai ? Bin envoie pas un gars de vos région à Paris alors, y va se prendre un choc, grave ! :D

      Moi, j'ai adoré vous découvrir, j'avais l'impression de retrouver une certaine France que nous n'aurions jamais dû quitter.....

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  12. Je croque dans la belle pomme de tes récits, Anne.
    C'est beau vu d'ici... par tes yeux vus.

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    1. Vas-y à pleines dents, Moussaillonne ! En outre, la suite s'en vient.... ;-)

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allez, dites-moi tout !