Comment Gris le Loup s'approcha des Hommes 7
Aux abords du village cependant tous s'arrêtèrent. L'odeur des Hommes affluait à leur truffe, et ils la redoutaient. Leur sauvagerie s'intimidait de tant de proximité. Gris n'en menait pas large, quand il s'approcha de la première tanière, le petit d'Homme dans la gueule. Il allait poser l'enfant sur la pierre froide du seuil, quand quelque chose l'arrêta ; ça sentait l'Homme à pleine truffe, ça oui, mais pourtant il sentait le lieu vide, bien que l'odeur fût encore chaude. Où donc étaient les Hommes ? Gris était perplexe. Que devait-il faire ?
" Aller jusqu'à une autre tanière", se dit-il... Son angoisse augmentait à chaque pas, d'être ainsi près des Hommes, mais il s'était donné cette mission, mais la Horde entière, les yeux fixés sur lui, suivait en silence sa marche dans la nuit, aussi, le cœur battant, poursuivit-il sa quête. Tanière après tanière, Gris porta l'enfant jusqu'au seuil. Tanière après tanière, il sentit qu'elles étaient vides. Où étaient donc les Hommes ?
Ainsi faisant, il parvint au cœur du village. Là se dressait une tanière immense, brillamment éclairée, d'où sortait une clameur épouvantable, et Gris, (qui jamais de toute sa vie de Loup n'avait entendu d'orgue), se demandant quelle sorte de bête beuglait là, suppliciée, crut bien défaillir de terreur. Puis il entendit la Voix des Hommes, et sut qu'ils étaient là, tous. Alors il pensa qu'il y avait Conseil de Meute, et que chacun donnait de sa voix, comme eux autres les Loups, quand ils se rassemblaient, et cela lui redonna courage.
Il avança résolument vers la Grande Tanière (dont on laissait la porte ouverte pendant l'office de Noël, afin que jusqu'au dehors on entende célébrer le Renouveau qu'on fête cette nuit-là, au mitan de l'Hiver, et ses promesses à venir).
Plus Gris approchait, son fardeau dans la gueule, et plus ses oreilles se couchaient, plus il sentait croître sa peur, plus il serrait sa queue entre ses pattes. L'odeur des Hommes devenait insoutenable, et le cœur au bord des crocs, Gris se sentait prêt de défaillir. Il hésita sur le seuil. Tous les Hommes lui tournaient le dos, même celui qui devant lui, entouré de deux jeunes non-matures, devant une sorte de pierre au milieu, loin là-bas, marmonnait tout seul dans le silence des sons qu'il ne comprenait pas. Il y eut un silence, puis un bruit cristallin s'éleva comme l'Homme devant la pierre élevait quelque chose de rond et de blanc. Alors tous les Hommes dans la tanière s'agenouillèrent et baissèrent la tête. Ce devait être le Chef de la Horde, pensa Gris, et c'était à lui qu'il devait donner le petit.
Gris respira un grand coup, et s'avança dans le silence, au milieu des Hommes. Il ne regardait que devant ses pattes, presque aplati de terreur, et s'aperçut qu'il tremblait, lui, Le Chef de la Horde. Jamais aucun Loup, à sa connaissance, ne s'était ainsi trouvé seul au milieu des Hommes, jamais, et lui, Gris, le faisait ce soir-là pour la première et - il l'espérait... - la dernière fois de sa vie.
Ce fut un enfant dissipé qui le vit le premier, comme il avançait, peu fier de lui ; le petit tira la manche de sa grand-mère, et reçut une taloche.
- " Mais mémé, mémé, regarde !" insista l'enfant en montrant du doigt, et sa bonne vieille mère-grand, ayant jeté un regard machinal dans la direction indiquée, pensa mourir de saisissement, et eut un hoquet de surprise, qui fit réagir ses voisins de banc. Il y eut un cri étouffé, puis des murmures effrayés, puis des retraits précipités vers les extrémités des bancs.
- " Un loup ! Doux Jésus, un loup dans l'église !" s'exclamait-on entre haut et bas.
Gris avançait toujours, à moitié mort de peur, et se croyant perdu. Car certainement, il allait se faire tuer ici, dans cette tanière, et sentait déjà les piques des fourches lui taquiner les côtes......
Le prêtre enfin entendit les murmures, et sentit qu'on dérangeait son office de Noël. Courroucé, il se retourna dans le dessein de ramener ses ouailles à un peu plus de décence - et resta stupéfait, la bouche ouverte, devant le singulier spectacle. Devant lui, dans la travée centrale, s'avançait un grand loup gris d'une taille formidable, pour autant qu'il en pouvait juger, car pour l'instant l'animal, plus mort que vif, semblait vouloir s'infiltrer dans les joints du pavement. Un loup, en effet, un loup - un loup qui tenait dans sa gueule quelque chose enveloppé d'une couverture.
(à suivre)
Je t'aime le Gris de tous les courages !
RépondreSupprimerAh, c'est quelqu'un, le Gris ! pas un de ces matamores à la petite semaine, hein, non non ! Tout ça pour un petit qui n'est même pas de son Clan.....qu'il aurait pu laisser simplement sur le seuil.....
RépondreSupprimerOh! Que saint François te protège mon Frère le Loup!!
RépondreSupprimerJ'ai la trouille autant que lui!
P.
Grand, intelligent et courageux : c'est l'inverse de Sarkozy, ça :)
RépondreSupprimerLa suite, Anne, la suiiiiiteu, steuplé.
@ Pomme : respire, Pomme, respire ! :)
RépondreSupprimer@ Bluebird : ne pollue pas mon blog avec ce nom honni, s'il te plaît ; sinon, oui, en effet. Et la suite demain, comme de juste.
ils sont bien beaux tes marrons de Noël ;)) l'histoire est magnifiquement racontée. Trouve-t-on encore des loups dans le Berry ? je crois qu'il y en a dans le Sud-Est.
RépondreSupprimerDans l'église,pourvu que le gris ne broie pas du noir.
RépondreSupprimer;-)
Merci, Lucia ! Hélas, non, le dernier loup berrichon fut tué à Buzançais, en 1939. Après, on n'a plus croisé chez nous que des loups à deux pattes, indignes de cette appellation.....
RépondreSupprimerJ.J., t'as raison : ce serait le bouquet !!!! ☺
RépondreSupprimerGénialissime anne!
RépondreSupprimerquelle haleine tu nous fais tenir, avec un court répit de rire au moment où la grand mère taloche le petit (suis je sans coeur?)
mais comment Diable réagira l'homme de dieu?
ps: as tu vu ma dernière recrue sur le blog?
un couple de loups blancs, de Turquie!... pour inspirer ta prochaine histoire...
Bizzz haletantes
Hihi ! merci, Dom ! nan, j'ai pas vu encore, faudra attendre quelques jours ! j'ai 1 MOIS de retard partout ! je remonte, je remonte, blog après blog....mais vous êtes aussi prolifiques que 20 portées de lapins !!! ☺☺☺
RépondreSupprimerça va venir, tu me connais.......:))))
Mon cousin Loup Gris est bien courageux. Ca c'est un homme !!! Enfin...si j'ose dire ! LA SUIiiiiiiiiTE !!!
RépondreSupprimerEt bien, que d'émotions ! Je l'aime ce Gris, quel exemple, quel courage, j'espère que l'Homme ne me décevra pas une fois de plus... J'attends la suite, avec impatience et envie. Bises et merci, très beau cadeau que tu nous fais là, tu vas me réconcilier avec les fêtes de fin d'année !
RépondreSupprimer@ Goupil : demain.....:)
RépondreSupprimer@ Kat : Les fêtes sont ce qu'on en fait, ma Kat ! je dois dire qu'en ce qui me concerne, certains macarons y ont contribué pour beaucoup....:))
J'aime cette histoire Anne et j'aime les loups !! Belle écriture toujours...je te souhaite une très belle année 2011 à toi et ton renard de chéri...qu'elle vous soit douce et pleine de jolis moments partagés...
RépondreSupprimerMerci, Rénica ! Meilleurs voeux ! Je suis bien contente de te lire ! attends-toi à ma visite "chez-toi-virtuel" dans les jours qui viennent....j'ai été absente et je récupère doucement !!!! biz !
RépondreSupprimer