Ou comment avoir l'air con sans frais
C'était encore le vingtième siècle ; notre rêve de campagne nous avait poussé à acheter, parce que quitte à payer un loyer, autant que ce soit pour être chez soi, avait décrété Monsieur l'Homme.
Néanmoins, nos moyens limités ne nous avaient permis qu'une espèce de maison mitoyenne (plus JAMAIS ça !), dans un bourg de 300 âmes ( qualité variable), donnant sur la rue, et qui était :
- sans chauffage
- munie d'UN SEUL robinet d'eau FROIDE
- sans wc ni salle de bain.
Mais il y avait un jardin, et un pré la jouxtait. Depuis dix ans personne ne l'habitait.
Nous emménageâmes. Le premier soir, prise d'un urgent besoin, je sortis m'isoler dans une encoignure, hors de vue des voisins - car il y en avait : non contente de donner sur la rue, cette baraque était sise à un angle !
Je me disposai (le premier qui rigole...), et laissai agir ma vessie ; quand soudain....
Juste derrière moi, s'éleva un chuintement affreux, un cri que je ne connaissais pas encore : venant de la ville, je n'avais jamais entendu que la hulotte, en guise d'oiseau nocturne. J'eus un sursaut, me redressai en hâte....et compissai joyeusement mes tennis.
Une forme claire et silencieuse étendit ses ailes au dessus de moi, me frôla, et disparut dans la nuit.
La chouette habitait le petit grenier bas de l'appenti contre lequel je m'étais abritée ; je vis ma première effraie, et compris ce jour-là qu'elle portait bien son nom.
Durant les années que nous y avons vécu, j'ai eu le temps de m'y faire. Elle nous avait adopté, et ne partit pas ; maintes fois nous faillîmes entrer en collision avec quand nous sortions la nuit. Son jeu était d'arriver sur nous, silencieuse, aperçue bien sûr au dernier moment, et de frôler nos têtes en redressant son vol à l'instant critique, d'une simple rémige orientée autrement, ses serres rasant nos têtes, avec un cri glaçant. Ce n'est pas un petit oiseau, et ses ailes étendues avaient presque mon envergure.
J'ignorais jusqu'alors le sens de l'humour des rapaces : si je n'ai jamais fait d'infarctus, c'est que j'étais solide. Toutefois, je dois reconnaître qu'immanquablement, j'étais saisie d'un fou-rire nerveux précédé d'un sursaut qui devait beaucoup l'amuser - ou peut-être pensait-elle que nous étions un autre genre de nocturnes, au cri un peu différent ?
Je garde le souvenir de ce vol silencieux, et de l'oiseau clair surgissant brutalement de la nuit, pattes pendantes, face à moi, s'élevant au dernier moment, si près qu'en levant la main j'aurais pu la saisir - et ses yeux qui regardent en face plongeaient dans les miens.
Je ne l'ai jamais fait ; la confiance était notre pacte, on ne trahit pas l'animal sauvage, quand il vous offre le cadeau magnifique de son amitié.
C'était notre jeu, à tous deux. Après nous, elle s'en fut.
Génial ! J'ai toujours rêvé d'en avoir une dans mon jardin.
RépondreSupprimerL'oiseau
Il te faut déménager, alors, et aller t'enterrer en pleine cambrousse, dans une quasi ruine inhabitée depuis badingue...tu as toutes tes chances !
RépondreSupprimerBelle histoire. Vraiment chouette :) bon je sais elle est facile la blague ! :)
RépondreSupprimerC'est bien ainsi que je l'entendais ! Je vais essayer de me trouver une ruine, tiens. C'est mon chien qui sera content.
RépondreSupprimerL'oiseau
Alors tiens nous au courant surtout !
RépondreSupprimerT'en as toute une plume !
RépondreSupprimerBonjour, Karl, bienvenue !
RépondreSupprimerIl y a une dizaine d'années , nous vîmes sur la chaussée , dans l'Ariège , une chouette immobile , inconsciente .
RépondreSupprimerNous l'avons ramassée et posée dans la voiture .
Arrivés à la maison , elle avait repris conscience .
Nous la mîmes dans une petite pièce sombre en attendant le lendemain .
Aucune blessure n'était visible .
Le lendemain matin , elle semblait beaucoup mieux .
Nous préparâmes des oeufs durs écrasés que nous mélangeâmes avec du paté pour chat .
Je la mis debout , ses grosses pattes sur mon poignet, pendant que ma femme lui ouvrait le bec d'une main et mettait la nourriture à l'intérieur de l'autre main .
Nous fîmes cela pendant trois jours sans aucun problème .
Le troisième jour , la chouette était en pleine forme , nous décidâmes de la libérer après lui avoir donné un dernier repas .
Peut être trop confiant , j'ai posé l'oiseau sans doute plus vite que les autres fois sur mon poignet nu .
Elle eut du mal à trouver son équilibre et utilisa un peu ses serres pour ne pas tomber .
C'est là que j'ai compris le risque que j'avais pris en la posant tant de fois sur ma peau nue !
On n'imagine pas la force de ses serres et de ses griffes !
Une fois nourrie , nous l'avons menée dehors , c'était la tombée de la nuit .
Elle ne s'envola pas tout de suite , puis prit son essor en tournant autour de la maison .
Nous avons cru la reconnaitre souvent , mais comment être certain que c'est elle que nous voyons ?
Quelle belle aventure, Jean ! Je pense...il se peut que ce soit elle qui s'est fixé non loin ; si c'était une jeune bête, l'imprégnation a pu se faire...Les oiseaux sont si particuliers !
RépondreSupprimerMerci Anne. j'adore tes "historiettes"...
RépondreSupprimerDidier ! Comme on se recroise ! Merci beaucoup de tes visites !
RépondreSupprimerBonjour Anne
RépondreSupprimerOn s'est croisée chez Blue Bird et j'ai pris plaisir à lire tes commentaires et encore plus à lire ton texte et cette rencontre avec une chouette
Tu avais cette maison
- sans chauffage
- munie d'UN SEUL robinet d'eau FROIDE
- sans wc ni salle de bain.
Mais :
il y avait un jardin, et ce pré qui la jouxtait
et il y avait cette chouette
qui a plongé ses yeux dans les tiens
Ca valait bien tout le confort matériel du monde
Ca valait bien plus
Et puis c'est chouette une chouette avec leur regard singulier
Eh oui.... Tout est là : il y avait, d'abord, la Vie. Bonjour, Lyse, bienvenue !
RépondreSupprimerJe te croise souvent, mais dans le silence...
RépondreSupprimerAlors,merci de le rompre de temps en temps, je te saurais là "en filigrane"...
RépondreSupprimerHaaaaa la complicité animale... qui surgit en lieu et moment singuliers... j'ai souvenir d'avoir été surpris, par un morpion sauvage, un jour de grande tempête intérieure qui m'avait poussé d'un pas chaloupé vers un lieu propice à la reflexion et au soulagement :)
RépondreSupprimerBisous M'dame, bonne journée
Hi hi, bises la Rascasse, pas laissé trop de séquelles le morpion j'espère ? te voilà frelaté, maintenant ? tt...tt...contrebandier, soit, mais escroc ! oooh..la Rascasse, voyons !
RépondreSupprimerchouette, je viens de te retrouver...
RépondreSupprimerchouette histoire en cours aussi !
à plus ...
;-Doume
Bonjour Doume, bienvenue ! ne lâche pas la photo !
RépondreSupprimerOu comment avoir de l'air frais sans cons...(c'est de saison)
RépondreSupprimerj'aime ta plume, anne, qui a l'humilité de penser qu'un oiseau, aussi effrayant soit-il, puisse avoir la même envergure que toi!
et j'apprécie (je guette, même, pour être au net) le moindre de tres commentaires.
Mon adresse mail est dispo sur mon profil, si tu as des envies de bafouille plus soutenue et pas forcément en rapport avec les photos!
Bizzzz
Merci Dom, je sens qu'on va se causer ! Moi c'est tes images qui me bottent, ou plutôt, le regard qui les rend possibles !
RépondreSupprimerT'as du talent avec cette expression là...